Dagon

Couverture de la dernière édition de poche du recueil de nouvelles DagonIndicible et innommable, l’horreur est partout. Une menace universelle, aux dimensions démesurées du cosmos : dans la brume entourant les falaises de Kingsport, dans une vieille maison solitaire qui entre en résonance avec l’au-delà, dans le cadre rassurant de l’université Miskatonic d’Arkham, où le docteur Herbert West réanime les morts… Mais aussi en d’autres temps, d’autres lieux : au plus profond des abysses marines, antre du terrible dieu Dagon ; à Ulthar, où règnent en maîtres les chats ; au grand temple d’Ilarnek, dans lequel les hideux servants de Bokrug, destructeurs de la ville de Sarnath, adorent encore aujourd’hui leur idole impie… Trente nouvelles d’effroi et de poésie ténébreuse, trente terribles révélations sur les secrets que dissimule la réalité.

On trouve dans le recueil Dagon une facette assez inattendue de Howard Philips Lovecraft (1890-1937) : celle de ses textes en quelque sorte mineurs, ou plutôt ceux écrits en marge de ses productions les plus connues et les plus choyées par les admirateurs de l’écrivain, qui restent considérées comme les plus représentatives de l’auteur – ce qui est assez différent. Pour cette raison, certains spécialistes à l’érudition sans faille dans le domaine affirment qu’il vaut mieux éviter de commencer la découverte de l’œuvre du Maître de Providence par ce recueil ; si l’argumentation se tient, sur une logique d’ailleurs imparable, je n’y souscris pas, car c’est justement dans une des toutes premières éditions de poche de Dagon que j’ai arpenté pour la première fois les territoires onirico-fantastiques de l’imagination enfiévrée de Lovecraft. Et, comme vous vous en doutez peut-être, j’ai bien été conquis…

Sous bien des aspects, d’ailleurs, c’est précisément la dimension « mineure » de ces textes qui fait de ce recueil une porte d’entrée aussi improbable qu’inattendue vers l’œuvre « majeure » de l’auteur. Ces fragments, en effet, présentent comme particularité de faire partie d’un tout plus vaste qui exsude littéralement de chacun de ces morceaux épars, se laissant entrevoir au détour d’une tournure de phrase, d’une description rapide, d’une ambiance. On distingue – ou bien on ressent, ou à tout le moins on soupçonne – le « majeur » derrière ce « mineur » qui ne parvient pas à cacher la forêt. En titillant ainsi notre imagination, ces espèces d’esquisses exacerbent notre curiosité et nous poussent de la sorte à revenir à Lovecraft, à cette autre partie de son œuvre, celle considérée comme centrale.

D’ailleurs, il vaut de mentionner que deux des récits présents dans Dagon servirent de base aux toutes premières adaptations des écrits de Lovecraft au cinéma : Herbert West, réanimateur et De l’au-delà inspirèrent à Stuart Gordon ses deux premiers films Re-Animator (1985) et Aux Portes de l’au-delà (1986), respectivement, qui connurent chacun leur succès et obtinrent plusieurs distinctions ; le réalisateur porta aussi la nouvelle Dagon à l’écran, sous le même titre, en 2001 – à noter néanmoins que ce film s’inspire en plus du texte Le Cauchemar d’Innsmouth (1931, publié en 1936). De sorte que ce recueil de récits « mineurs » contribua en fait beaucoup à présenter à un public profane une partie au moins de l’œuvre de Lovecraft

Pour toutes ces raisons, vous ne vous tromperez pas beaucoup en vous penchant sur Dagon : si l’ouvrage ne dépasse pas le stade du hors-d’œuvre et ainsi de l’introduction à une production bien plus vaste et sophistiquée, il reste néanmoins une porte d’entrée tout à fait appropriée vers la découverte de l’imaginaire hors norme de Lovecraft.

Quant à ceux parmi vous qui connaissent déjà l’auteur, ils en trouveront là diverses facettes aussi inédites que surprenantes.

Dagon (Dagon and other macabre tales), H. P. Lovecraft
J’AI LU, collection Fantastique n° 459, juillet 2007
432 pages, env. 7 €, ISBN : 978-2-290-33290-0

hplovecraft-fr.com, un site français pour les fans de Lovecraft
– d’autres avis : nooSFère, Scifi-Universe
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