BrainDead

Visuel de promotion de la série télévisée BrainDead

Laurel Healy, réalisatrice de documentaires engagés, accepte de travailler dans le cabinet de son frère sénateur démocrate pour financer son prochain film. Mais alors que la gouvernance américaine est en crise, des insectes venus de l’espace prennent peu à peu le contrôle de membres du Congrès et d’employés de la Maison Blanche, poussant le pays au chaos. Entre sa relation avec un membre du parti républicain et son job dans les relations publiques, Laurel doit à présent sauver le monde d’une invasion extraterrestre.

À la fois un des plus anciens et des plus récurrents thèmes de la science-fiction, le concept de l’invasion de la Terre par des extraterrestres fonctionne en fait assez mal la plupart du temps. Rappelons avant de poursuivre que l’invasion se produit dans un contexte de guerre et que celle-ci se fait avant tout pour l’obtention de ressources. Or, une espèce capable de franchir les distances séparant les étoiles peut trouver les ressources qu’il lui faut à peu près n’importe où sans avoir à se lancer dans la stratégie toujours hasardeuse de l’attaque d’une autre civilisation. Des matières premières ? N’importe quel champ d’astéroïdes fait l’affaire. De l’eau ? Les anneaux de planètes gazeuses comme Saturne en sont pleins. De l’énergie ? Il suffit de moissonner la lumière de la première étoile venue.

Outre le contexte particulier de deux civilisations capables de voyager dans les étoiles et qui se disputent un territoire précis de l’espace, on peut néanmoins citer une exception : l’arrivée inopinée et le plus souvent involontaire d’extraterrestres pas forcément belliqueux mais pour lesquels la conquête de leur monde d’adoption semble une solution à leurs problèmes, quels que soient ces derniers. La nouvelle La Couleur tombée du ciel (H. P. Lovecraft ; 1927), parmi bien d’autres exemples, vient tout de suite à l’esprit. Et ce modèle arrange d’autant mieux mes affaires dans ce cas précis puisque un argument comparable sert de point de départ à BrainDead, ce qui au passage en dit assez long sur les inspirations des créateurs de cette production.

Bien sûr, que des êtres voyageant dans une météorite à la dérive puissent survivre pendant des siècles, voire des millénaires de trajet interstellaire, et surtout s’avèrent parfaitement adaptés à la vie sur Terre constituent d’autres problèmes à résoudre pour un auteur de science-fiction préoccupé de réalisme. Mais ces questions restent sans aucun lien avec celle qui nous occupe ici et sur laquelle les auteurs de BrainDead ont soigneusement évité de se pencher puisque ce n’est pas leur sujet. Bref, l’écrasante majorité des récits décrivant une invasion de la Terre par des extraterrestres, quel que soit leur média, ne tiennent tout simplement pas debout en raison d’un postulat de départ pour le moins bancal ou en tous cas très discutable…

Mais comme je viens de l’évoquer, il ne s’agit pas du sujet de BrainDead. Car au lieu de verser dans une tentative supplémentaire de rationaliser ce thème, cette production hors norme sous bien des aspects s’oriente en fait dans la direction opposée, et jusqu’à la caricature ou plutôt la satire. Non celle d’un thème ni même d’un genre, encore que ça pourrait se discuter, mais d’un milieu : la politique. En effet, l’image de ces politiciens professionnels contrôlés par des entités extraterrestres se passe de commentaire, surtout en des temps comme le nôtre où une écrasante majorité de la population s’évertue à tenter de faire comprendre à une classe dirigeante déconnectée combien elle ne comprend rien à ses problèmes.

En fait, ces dirigeants semblent bel et bien autant éloignés de leur peuple que des extraterrestres le seraient des terriens. Et que les envahisseurs, dans ce cas précis, détruisent la moitié du cerveau de leur hôte pour s’y loger avec leur progéniture, complète le tableau à merveille : non seulement ceux qui nous gouvernent ne comprennent plus rien à ceux qu’ils gouvernent mais par dessus le marché ils ne possèdent même plus les capacités de cette compréhension puisque 50 pour cent de leur matière grise manque à l’appel. On voudrait parfois que la réalité se montre aussi simple que certaines fictions. Pour autant, il ne faut pas voir dans BrainDead une réflexion sur l’univers de la politique car il s’agit avant tout d’une satire.

Et une satire très réussie, merveilleusement servie par un casting au meilleur de sa forme – on apprécie notamment les performances de Mary Elizabeth Winstead, ici particulièrement élégante dans la plupart de ses apparitions – ainsi qu’un scénario riche en rebondissements et dont les principaux personnages savent occuper leur espace dédié avec autant d’habileté que d’à propos.

Pour sa pertinence et sa concision comme pour sa réalisation et surtout son humour, BrainDead est définitivement à voir.

BrainDead, Robert & Michelle King, 2016
Paramount Studio, 2016
1 saison, env. 15€ (import seulement)