C’est le milieu de l’été, je suis surbooké de taf’ et je n’ai vraiment pas la motivation de me creuser la tête pour savoir sous quel angle je vais vous présenter une œuvre que j’ai trouvé intéressante pour une raison X ou Y, alors pourquoi ne pas partager les diverses ressources artistiques que j’ai glané au cours des derniers mois ? Les habitués de ce blog savent que je travaille comme graphiste en freelance sur du print et de la 3D. Or, comme les secteurs liés à l’informatique évoluent constamment, il faut bien se tenir à jour de ces évolutions pour offrir les meilleures performances tant en rapidité d’exécution qu’en qualité du produit final – en bref, pour rester compétitif…
Voilà pourquoi je me retrouve plus ou moins régulièrement à arpenter la toile pour voir ce qu’elle a à offrir dans les domaines qui me concernent et dans l’espoir d’en retenir un truc ou deux. La popularité croissante de Youtube et surtout cette possibilité que donne ce support de s’exprimer sur tous les sujets en font un lieu de choix pour y chercher toutes sortes d’infos plus ou moins utiles selon votre niveau de maîtrise préalable du domaine concerné. Par conséquent, je ne vous parlerais pas ici de ces didacticiels d’étudiants, ou pire d’amateurs, en mal de considération et qui enregistrent leur dernière expérimentation en général plutôt douteuse.
Au contraire, je vais évoquer des chaînes tenues par des professionnels pour un public aspirant à le devenir lui-même et donc assez exigeant. Vous ne trouverez donc pas sur ces chaînes de quoi bidouiller un effet peut-être sympa à montrer aux parents ou aux copains mais pas forcément convaincant pour une clientèle qui cherche un prestataire sérieux. Pour autant, même un débutant y trouvera les bases nécessaires pour commencer un apprentissage non seulement plus que solide mais surtout gratuit : à une époque où la moindre formation valable affiche un prix à quatre chiffres, de telles ressources peuvent s’avérer très précieuses.
Je commence par une pure brute épaisse. Ce type modélise comme un dieu aussi bien sur 3DS Max que ZBrush, fait des rendus de fous avec V-Ray, connaît les scripts open source les plus utiles, explique le pourquoi du comment il faut utiliser telle technique ou tel outil dans tel ou tel contexte, et par dessus le marché offre même certaines de ses créations pour qu’on puisse les examiner en détail histoire de voir de plus prés comment il opère sa magie. Il lui arrive même de répondre à des demandes personnelles de la part de ses followers qui se retrouvent bloqués sur un problème particulier. Bref, non seulement c’est un maître du domaine mais en plus il est très sympa. Ses toutes premières vidéos présentent les diverses fonctions de 3DS Max pour ceux d’entre vous qui commencent de zéro.
Si vous souhaitez apprendre la 3D orientée industrie du divertissement (jeux, films, effets spéciaux, etc.), Arrimus 3D est l’adresse incontournable.
Peut-être pas aussi bon qu’Arrimus 3D sur le plan technique mais meilleur pédagogue, de mon point de vue du moins, Denis est avant tout un faiseur. En d’autres termes, il s’adresse plutôt à un public qui connaît déjà les bases de 3DS Max, au moins un peu, et qui en voyant un maître à l’œuvre trouvera l’occasion de développer ses skills en un temps record – et si vous ne connaissez pas les bases du logiciel, ou mal, il vous suffit de l’observer travailler pour savoir où trouver la fonction dont vous avez besoin. Ses vidéos se concentrent sur des problèmes concrets et des projets bien réels tout en expliquant ses choix et son workflow afin de mêler la théorie et la pratique en un tout cohérent dépourvu de bourrage de crâne rébarbatif.
Si vous envisagez une carrière dans la visualisation architecturale ou tout autre domaine ancré dans le réel, Denis Keman est le tuteur qu’il vous faut.
Et d’autres…
En vrac, quelques autres adresses que je n’ai pas eu le temps d’examiner en détail et sur lesquelles je ne pourrais pas parler abondamment mais qui valent plus qu’un simple coup d’œil :
Avec sa réalisation sympathique, ses mécaniques de jeu accrocheuses et souples, ainsi que son level design aussi varié que bien pensé, XenoSquad s’affirme comme un titre réussi. Mise à part sa durée de vie assez courte, il s’agit bien d’une des meilleurs productions du genre auxquelles j’ai pu jouer dernièrement, du moins dans le domaine des jeux gratuits.
1964. Depuis que le Japon refusa l’accord de Potsdam et se vit envahi par les alliés, l’archipel se trouve coupé en deux : au sud, le Japon coalisé aux américains, et au nord la République du Nord Japon affiliée à l’URSS qui annexa l’île d’Hokkaido. Il y a dix ans qu’ont pris fin les Guerres du Japon, cette lutte épouvantable où les blocs est et ouest s’affrontèrent sans parvenir à désigner un vainqueur, avec pour seul corolaire un peuple encore plus brisé et le rêve d’un Japon réunifié toujours plus vivace dans la population…
Masami von Weizengger est pilote d’essai pour Komitsu Industries. Avec sa collègue Ryoko Minakawa, il participe au test de nouvelles unités AFW, des sortes de tanks bipèdes inventés lors des Guerres du Japon, quand le pilote du Type 3 quitte soudain le terrain d’essai sans autorisation. Il s’agit en fait de Takeshi Kaiho, héros de guerre de la République du Japon du Nord, venu dérober ce prototype. Couvert par des troupes du nord infiltrées, il disparaît dans la nature. Une équipe d’intervention spéciale est mise sur pied afin de récupérer le Type 3 avant qu’un incident international précipite à nouveau l’archipel dans une autre guerre fratricide. Et non seulement Weizengger participe à l’opération mais il se voit aussi promu capitaine de ses troupes AFW.
Le point de départ narratif de Ring of Red illustre très bien une peur caractéristique et ancestrale du Japon : voir l’archipel aux mains de puissances étrangères – soient des gaijins, terme souvent péjoratif – qui provoquent à terme le démantèlement du pays. Ce scénario passa bien près de se produire en 1945 quand les américains remportèrent enfin la guerre du Pacifique et seule l’intervention du général MacArthur (1880-1964), très connaisseur de la culture japonaise, permit d’éviter le désastre : en effet, destituer l’empereur Hirohito (1901-1989) n’aurait très certainement mené qu’à une insurrection généralisée du peuple japonais contre l’occupant américain afin de protéger sa monarchie qui régnait de droit divin depuis près de 3000 ans.
Carte tactique de déplacement des unités au tour par tour
Ring of Red, comme il se doit dans un récit se réclamant de l’uchronie, nous présente un dénouement assez différent, qui débouche de la sorte sur des conditions historiques radicalement modifiées. Le récit n’explique pas comment le Japon en vint ici à refuser l’accord de Potsdam mais on peut toujours spéculer, et notamment en se rappelant que, dans l’Histoire telle que nous la connaissons, des généraux japonais tentèrent un coup d’état afin d’éviter à leur pays l’humiliation d’une reddition ; tout porte à croire qu’un scénario comparable se produisit dans lunivers parallèle de Ring of Red, amenant ainsi l’archipel à devenir un autre théâtre des affrontements est-ouest caractéristiques de la guerre froide – encore que d’une manière assez différente des exemples de la Corée et du Vietnam même si le résultat final reste le même.
Écran d’attribution des rôles des équipages et des infanteries
Ce point de départ aussi crédible que cohérent contribue donc beaucoup au réalisme de Ring of Red et confère de la sorte à ce récit une capacité d’immersion rarement atteinte sur le média des jeux vidéo. Quant au scénario lui-même, et si les connaisseurs du genre mecha ne manqueront pas de remarquer le clin d’œil évident à un élément narratif caractéristique de la franchise Gundam, à savoir le vol d’un engin prototype comme point de départ d’une intrigue, il parvient à se montrer assez adroit dans l’ensemble tout en restant plutôt inattendu en dépit de quelques emprunts à d’autres licences célèbres du domaine – comme par exemple la série des Front Mission où les tensions géostratégiques jouent souvent un rôle central.
Hélas pour ce titre aux prémisses au moins accrocheurs, les qualités de Ring of Red en restent à peu près là. Pour en terminer avec l’aspect narratif, on déplore en particulier des personnages souvent stéréotypés, pour ne pas dire caricaturaux, mais aussi immatures et qui de plus s’expriment à travers des dialogues le plus souvent idiots, voire même franchement abscons. Si au moins les auteurs avaient su éviter l’écueil des relations familiales et amoureuses inutiles ou bien carrément téléphonées, Ring of Red serait parvenu à ne pas joindre le ridicule à l’ennuyeux en épargnant de la sorte le joueur qui n’en demandait pas tant. Quant au final, il relève à peine le niveau à travers une conclusion dont je vous laisserais la surprise mais qui ne parvient hélas pas à sauver l’ensemble.
Un équipage charge une munition spéciale dans le canon d’un AFW
Bien sûr, l’intérêt d’un jeu réside avant tout dans ses mécaniques de jeu, et sur ce point Ring of Red se montre tout aussi décevant. Si sur le papier ce mélange de stratégie en temps réel et de stratégie au tour par tour enthousiasme, ou à tout le moins intrigue plutôt positivement, sa concrétisation devient vite une autre épreuve. Les problèmes commencent dès le déplacement des unités sur la carte, car non seulement ils suivent un ordre incompréhensible mais de plus ceux des adversaires se font en une séquence impossible à prévoir ; tout au plus sait-on combien d’unités ennemies font leurs mouvements avant qu’arrive le tour d’une unité alliée. Ainsi, il devient vite impossible de mettre sur pied une tactique dépassant le tour de l’unité en cours et toute la stratégie doit donc s’improviser au fur et à mesure.
Une infanterie charge un ennemi armée de ses lance-roquettes
Quant aux affrontements eux-mêmes, ils se composent d’un ensemble d’actions où il faut gérer le mecha de l’unité et son pilote aux capacités spéciales ainsi que son équipage aux compétences propres lui aussi, de même que les troupes d’infanterie qui l’accompagnent et qui disposent de leurs caractéristiques spécifiques. Tout ceci se fait en temps réel et l’adversaire ne reste bien sûr pas les bras croisés. C’est là qu’intervient la fonction du jeu la plus aboutie mais aussi, encore hélas, la plus pénible ; car si les développeurs de Konami sont parvenus à mettre au point un système de caméras qui retransmet les actions de ces combats comme si on y était, ces séquences cinématiques interactives – faute d’un meilleur terme – en viennent vite à gêner votre jeu, et notamment en se déclenchant au moment où vous vous y attendez le moins, ce qui ruine à chaque fois votre immersion comme votre concentration.
Ainsi, alors que vous envoyez vos soldats en avant, pour par exemple attaquer le mecha adverse au lance-roquette ou bien poser des mines pour couvrir votre retraite, et que votre équipage charge dans votre canon un obus incendiaire ou perce-blindage, le jeu vous montre le moindre détail de chacune de ces actions, tout en faisant de même pour les actions équivalentes de l’adversaire. Si le spectacle se montre bien souvent somptueux, avec des animations très bien rendues dans des environnements tout aussi convaincants et aux éclairages superbes, le tout mâtiné d’effets spéciaux et pyrotechniques tout à fait réussis, l’expérience s’avère bien moins satisfaisante quand vous en êtes à votre cinquième mission et que ces séquences se suivent sans vraiment se différencier : en bref, on finit vite par voir un peu toujours la même chose, et non seulement il n’y a pas de touche permettant de passer la cinématique mais de plus vous ne pouvez agir pendant qu’elle se déroule, un délai souvent assez long que votre adversaire ne se privera pas d’exploiter, lui.
Un AFW de Type 2 tire son obus sur une position ennemie
Ajoutées à ça, diverses aberrations terminent de gâcher la fête. En particulier, l’impossibilité de faire avancer ou reculer votre mecha pendant que vos infanteries attaquent l’ennemi, par exemple pour vous mettre à couvert d’une attaque au corps-à-corps de votre adversaire ou au contraire pour aller justement lui en coller une : pour on ne sait quelle raison, les mouvements de vos soldats vous rendent immobile, c’est-à-dire vulnérable… Enfin, ultime erreur, les dégâts occasionnés par vos obus varient considérablement d’une attaque à l’autre : lors de la même bataille, en tirant sur le même adversaire, à l’aide du même équipage qui charge le même type de munition, les dommages que vous ferez pourront passer du quitte au double, et parfois même plus ! Impossible donc, de prévoir l’issue d’un combat selon les forces impliquées : en d’autres termes, le facteur chance pèse bien plus sur l’issue d’une bataille que votre sens tactique, ce qui est tout de même un comble pour un jeu qui se prétend de stratégie.
Écran général d’une bataille avec au premier plan une infanterie
Je pourrais continuer de la sorte, en évoquant par exemple le cas des batailles à longue portée où une unité tierce se trouve sur la case intermédiaire entre vous et votre adversaire mais ne participe pas au combat alors même qu’elle se trouve prise entre deux feux, ou bien en déplorant l’absence de mode multijoueur qui aurait au moins réduit l’influence des dieux des algorithmes sur le déroulement des batailles. Mais je préfère en rester là afin de terminer sur une note positive puisque Ring of Red présente malgré tout les qualités d’un système de jeu à la fois simple et efficace, où la préparation en amont de la bataille joue un rôle important, et parfois même décisif, dans la répartition des équipages et des infanteries au sein des diverses unités : ceci permet en quelque sorte de personnaliser votre jeu selon les caractéristiques que vous attribuez à vos pions, là encore faute d’un meilleur terme.
Pour des raisons que je m’explique mal, du moins une fois laissés de côté les aspects purement cosmétiques de cette production, un élément auquel les joueurs n’attribuent pas le plus d’importance en général, Ring of Red reste un titre très apprécié. Si j’estime qu’il reste bien loin du compte, je crois aussi qu’il lui manque peu de choses pour y parvenir : vous en serez juge…
Note :
Au contraire de ce que peuvent le laisser penser les screenshots et le trailer inclus à cette chronique, Ring of Red est entièrement localisé et propose bien une version française complète.
L’édition originale japonaise présente plusieurs détails narratifs nettement différents de ceux des éditions européennes et américaines. Ainsi, les personnages de Schreigen et Rodriguez y sont clairement présentés comme des anciens membres du Parti nazi qui parvinrent à échapper au tribunal en collaborant avec les vainqueurs alliés. Ensuite, dans ce monde parallèle comme dans le nôtre, le Japon subit les bombardements atomiques de Hiroshima et de Nagasaki, un autre élément absent des versions européennes et américaines même si celles-ci mentionnent des armes nucléaires entreposées dans diverses régions du Japon. Enfin, beaucoup de magazines crurent à l’époque de la sortie du jeu que le joueur contrôle un groupe de personnages affiliés au Japon du Nord communiste alors qu’ils travaillent en fait pour l’autre camp.
Ring of Red Konami, 2001 Playstation 2, env. 10 € (occasions seulement)
En cette année 2317, les technologies d’entraînement militaire ont la part belle dans les sports de combat. Aux fondements d’une nouvelle ligue de compétition internationale, elles permettent de commander à distance de nombreux types de véhicules équipés des derniers modèles d’armes lourdes. Mais seuls les plus intelligents, les plus fortunés et les plus acharnés des participants peuvent espérer gravir les échelons du tournoi jusqu’au sommet : à vous de prouver que vous méritez cette gloire d’un jour…
Si l’industrie du jeu vidéo s’enlise de plus en plus dans une espèce de redite permanente et tout autant fâcheuse, il faut néanmoins souligner les efforts de petits développeurs indépendants qui tentent – hélas rarement avec succès, ce qui en dit long sur la clientèle – de sortir de ces chemins tant rebattus qu’ils en deviennent boueux. Ainsi les allemands d’exDream choisirent-ils de s’aventurer sur un terrain aussi inattendu que risqué en tenant de combiner la stratégie en temps réel aux modes de jeux typiques des FPS orientés compétition tels qu’Unreal Tournament (Digital Extremes & Epic Games ; 1999) ou Quake III Arena (id Software ; même année). Le résultat final s’appelle Arena Wars et il se présente comme pour le moins unique en son genre.
Par exemple, le nombre total d’unités au sein d’une équipe ne peut dépasser six et chaque type d’unité présente sa propre spécialité. Outre le buggy, le tank et l’artillerie mobile, vous pourrez utiliser trois sortes de mechas : un léger et fragile équipé de lance-missiles, un moyen armé de lasers, et un lourd mais résistant expert au corps-à-corps – même si la notion de corps-à-corps, ici, reste assez extensible, faute d’un meilleur terme… Si chacune de ces unités a son prix en points de construction, invariable, son coût vous est remboursé dès qu’elle est détruite, ce qui vous permet d’en fabriquer une autre immédiatement avec pour seule pénalité la perte d’un temps précieux que votre adversaire ne se privera pas d’exploiter à son avantage…
Pour cette raison, il n’y a ici aucune gestion de ressources mais un simple capital de départ à exploiter au mieux en vue de créer les unités nécessaires pour remplir les objectifs. Mais, et c’est là une autre particularité d’Arena Wars, ceux-là ne consistent pas à détruire l’adversaire ou bien à s’emparer de ses positions ; au lieu de ça, il s’agit – selon le type de jeu choisi – de capturer son drapeau en s’infiltrant dans sa base pour le lui voler et le ramener chez soi, ou bien de détruire sa base à l’aide d’une bombe qu’il faut parvenir à déposer chez lui, ou encore à occuper le plus de zones possibles du terrain pendant le plus de temps possible. L’opposant, de son côté, doit bien sûr faire la même chose, mais contre vous…
On n’avait alors jamais vu, à ma connaissance du moins, les jeux de stratégie en temps réel rencontrer ainsi la Capture du Drapeau, le Bombing Run et la Double Domination, soient des modes de jeu à l’époque encore exclusifs aux FPSmultijoueurs. Voilà pourquoi, histoire de compléter le tableau, Arena Wars permet à huit joueurs de s’affronter en ligne depuis les quatre coins du monde. Et si on peut opter pour un mode solo où il faut gravir les échelons de la compétition en jouant contre l’intelligence artificielle du jeu, celle-ci tend hélas à rendre les parties assez répétitives de sorte que vous voudrez vite en revenir à des adversaires dignes de ce nom…
Si Arena Wars n’a rien d’un grand jeu, ni même d’un titre franchement original, dans le sens où il n’invente rien mais en fait recycle des mécaniques existantes qu’il recombine à sa manière, il n’en reste pas moins une réalisation atypique qui mérite bien que vous lui donniez sa chance – mais de préférence en LAN ou sur internet.
Note :
Arena Wars connut en 2008 une séquelle aux parfums de remake sous la forme du titre Arena Wars Reloaded qui, comme son nom l’indique, se présente comme une sorte de grosse mise à jour sur la plupart des plans.
Depuis 20 ans et alors qu’il n’en a pas encore 30, Sam est le principal actionnaire d’Encom, la plus grande société de développement informatique de la planète. Mais il ne s’intéresse pas à la gestion de cette firme que dirigeait jadis son père, Kevin. Ce que veut Sam, justement, c’est retrouver son père disparu il y a 20 ans. Retrouver son père qui lui racontait le monde de la « Grille » – un univers de bits et d’algorithmes où les programmes sont des êtres pensants et où tout reste à construire…
Et puis un jour, un appel sur un beeper lui donne une piste, qui lui fait trouver dans l’ancien bureau de son père un accès instantané vers cette « Grille » dont Kevin lui avait tant parlé… Mais rien n’y est comme il le lui avait décrit, car c’est un monde empli de vie, ordonnée et hiérarchisée : une civilisation entière… Mais aux ordres de qui ? De son père Kevin ou bien de quelque chose d’autre ? Quelque chose d’aussi inhumain qu’un programme peut-être…
Inutile de tourner autour du pot : ce qu’on peut retenir de Tron : l’héritage, ce ne sont que les images et les sons. Le reste, tant sur le plan de l’univers que de l’intrigue a déjà été vu et revu, et tant de fois qu’il aurait été très difficile pour le scénario de proposer quoi que ce soit de nouveau autour de ce thème si ancien que beaucoup le considèrent comme le tout premier de la science-fiction – ce qui ne nous rajeunit pas… Car au final ce film n’est jamais qu’une autre variation de plus sur le « Complexe de Frankenstein » (1) mais ici présentée sous les traits d’un pseudo-Matrix (Andy & Larry Wachowski ; 1999), l’originalité graphique en moins.
Ce qui agace d’autant plus que le premier Tron (Steven Lisberger ; 1982) avait non seulement abordé le concept de cyberespace au cinéma près de 20 ans avant le film des Wachowski, mais il avait aussi su dépasser la problématique depuis longtemps bien simpliste de l’homme en butte contre sa propre création. En fait, Tron : l’héritage semble avoir complétement oublié la véritable portée du film qu’il prolonge pour s’aligner sur le vide intellectuel abyssal du dernier blockbuster en date bâti autour du thème du cyberespace – comme une sorte de reddition devant la toute-puissance du box-office et de sa nullité culturelle inhérente.
Ce qui étonne peu mais déçoit malgré tout beaucoup. Pas d’étonnement car on ne peut être visionnaire sur commande, et surtout pas comme le Tron original l’était en son temps ; mais de la déception car on ne s’attendait quand même pas à autant de poncifs compilés en aussi peu de temps – un écueil que même Tron 2.0, le jeu vidéo de Monolith, sut éviter. À peine peut-on y distinguer une tentative – bien timide – de représentation de ce trait de caractère des programmeurs qui poussent parfois un peu trop loin la chasse aux bugs dans leurs lignes de code – et pour autant qu’un tel sujet mérite un film.
Une fois dépassé ce thème à présent deux fois centenaire de l’inventeur en lutte contre sa propre création, il n’y a hélas rien à sauver de ce film. Restent donc la 3D, bien discrète d’ailleurs, ce qui là aussi étonne assez peu, et la direction artistique dans son ensemble : ni l’une ni l’autre ne révolutionneront quoi que ce soit, à peine se montreront-elles adéquates, sans plus, et vous offriront-elles un bon moment.
C’est toujours ça de pris, vous me direz, mais tout de même, Tron méritait mieux que ça. Bien mieux…
(1) cette expression désigne la peur du créateur envers sa créature et la rébellion possible de cette dernière contre son « père » ; dans le genre de la science-fiction, on la trouve surtout comme thème central des récits présentant des robots qui acquièrent une forme d’autonomie intellectuelle – en particulier dans l’œuvre de l’écrivain Isaac Asimov (1920-1992).↩
Notes :
Tron : l’héritage reçut aux Oscars 2011 la nomination pour le Meilleur montage sonore.
Un projet de série TV d’animation en 10 épisodes, intitulé Tron: Uprising, est actuellement en cours de production ; sa diffusion à la télévision américaine est prévue pour 2012.
La bande originale du film composée par le célèbre groupe français de musique électronique Daft Punk eut sa sortie mondiale le 6 décembre 2010 ; cependant, divers sites avaient dévoilé certains morceaux comme Derezzed ou Outlands avant cette date.
Une adaptation du film en jeu vidéo, intitulée Tron: Evolution, est sortie le 3 février dernier sur PlayStation 3, Wii, Windows, Xbox 360, Nintendo DS et PlayStation Portable. Comme pour le film, la bande originale de ce jeu est composée par Daft Punk. C’est à ce jour le onzième jeu vidéo directement inspiré de la franchise Tron.
Tron : l’héritage (Tron: Legacy), Joseph Kosinski Walt Disney Pictures, 2010 127 minutes, tous publics
Kevin Flynn, programmeur de génie et accro aux jeux vidéo, tente de pénétrer le réseau de la société ENCOM pour y trouver des preuves qu’Ed Dillinger lui a dérobé les travaux avec lesquels il a pu obtenir sa position de PDG, mais sans succès… Avec l’aide de deux anciens collègues, Flynn s’infiltre dans les installations même d’ENCOM et s’apprête à se servir directement dans les bases de données de la société quand l’intelligence artificielle qui contrôle ce réseau déploie un système de défense pour le moins… inattendu.
Désintégré du monde réel, Flynn se voit « transporté » dans l’interconnexion d’ordinateurs et de serveurs qui constituent le réseau d’ENCOM, à la merci des programmes-tueurs de ses systèmes de protection. Mais jamais il ne s’est trouvé aussi près des informations qu’il cherche… Sur la grille de combat, puis à travers les circuits infestés de gardiens virtuels et au-delà des océans binaires des bases de données, Flynn peut enfin mettre la main sur les informations dont il a besoin afin de récupérer ce qui lui appartient. S’il survit…
Ce qui reste dans le domaine du possible pour lui qui est un dieu des jeux vidéo, mais le combat qu’il va mener s’annonce sans merci, et représente bien le plus grand défi de sa vie.
À ma connaissance, Tron est le premier film à aborder de front le thème des jeux vidéo, un sujet à l’époque assez mal connu par les artistes et les réalisateurs « sérieux » qui n’y voyaient qu’un amusement simpliste, au mieux, si ce n’est une nouvelle incarnation de la fourmilière technologique responsable de tous les maux de la Terre, au pire. La vision de Steven Lisberger différait de manière radicale, très certainement parce que l’informatique le passionnait depuis longtemps et qu’il y entrapercevait un potentiel créatif que bien peu de gens soupçonnaient ; au reste, et en dépit des nombreuses productions qui défrayaient la chronique au sein des premiers festivals d’Imagina, ce domaine des arts virtuels se cantonnait encore aux limites de l’expérimental.
Et pourtant, malgré toutes les réserves émises par l’intelligentsia de l’époque, Tron devint une légende. Parce que, de par son essence même, ce film s’adressait tout entier à l’avenir ; sous bien des aspects, d’ailleurs, il en représentait un manifeste. D’abord sur le plan technologique, à travers l’utilisation intensive de tous les procédés d’imagerie numérique disponibles à l’époque ; ensuite sur le plan narratif, à travers un sujet alors jamais vu au cinéma mais qui allait prendre peu à peu une place toujours plus prépondérante dans la vie de tous les jours d’une génération entière, jusqu’à devenir un nouvel élément du quotidien.
Il y a peu d’intérêt à se pencher sur le premier plan car, depuis maintenant bientôt 30 ans que ce film a été tourné, il va de soi que les technologies utilisées alors sont à présent moins qu’obsolètes. On peut toutefois remarquer que l’imagerie de Tron prise dans son ensemble a bien moins vieilli que ce que l’affirment certains, ceci étant au moins en partie dû à l’immense talent de créatifs de renom tels que le designer et graphiste Syd Mead, le dessinateur de bande dessinée et artiste Jean « Mœbius » Giraud ou le pionnier de l’infographie Peter Lloyd : tous, chacun à leur manière, apportèrent à ce film une touche personnelle qui contribua largement à lui donner cet aspect d’intemporalité dont il tire une bonne partie de sa dimension de film culte.
C’est le second plan, le narratif, qui plus d’une génération après s’affirme comme visionnaire. Car le sujet de fond de Tron ne se cantonne pas à une énième itération illustrant le rapport de l’homme à la machine, il s’agit en fait d’une représentation de ce qu’on appelle à présent le « geek » – ou plus précisément le « gamer » – soit le fondu de ces nouvelles technologies à travers lesquelles celui-ci trouve des satisfactions impossibles à assouvir par des biais plus traditionnels. Bref, c’est un parfait portrait de ce qui constitue une composante fondamentale de la société de consommation de ce début de XXIe siècle, et qui d’ailleurs rappelle beaucoup certaines visions des cyberpunks sous bien des aspects. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les plus grands admirateurs de Tron se trouvent parmi ces enfants qui le découvrirent au cinéma en 1982 et grandirent en conservant à l’esprit cette imagerie avant-gardiste dont les éléments principaux ne tardèrent pas à envahir le secteur des jeux vidéo – notamment au cours de la décennie suivante. D’ailleurs, que les concepteurs de ces jeux aient eux aussi compté parmi les fans les plus acharnés de Tron n’est bien sûr pas un hasard non plus…
Car le personnage de Flynn est bien évidemment un geek avant l’heure : passionné d’informatique, de codes source et de réseau, il fait partie de ceux qui comprennent mieux les algorithmes que les gens ; les machines restent ses meilleures amies et il s’avère incapable de s’orienter dans la jungle corporatiste des multinationales, tout imperméable qu’il est aux instincts primitifs qui dirigent ces conglomérats de seigneurs et de valets où l’individu se perd dans une dynamique de groupe dépourvue d’âme : les chiffres qui y règnent s’avèrent bien trop chaotiques pour répondre à ce besoin d’ordre virtuel qui caractérise les informaticiens et à partir duquel ils créent leurs merveilles. Bref, il a la douloureuse impression de se faire exploiter, et à seulement une fraction de son talent réel – ce qui devrait éveiller quelques échos parmi tous ceux d’entre vous qui ont commencé à travailler à la toute fin des années 90 et qui se sont retrouvés à la botte d’un petit chef incapable de comprendre le véritable pouvoir d’un ordinateur à l’époque où ces machines s’immisçaient en masse dans le monde de la vie active…
Quant à l’étude du jeu, traditionnel comme électronique, que propose Tron, elle confine au symbole à travers une représentation d’ordre métaphorique. Car si on examine de près divers détails de l’image dans certaines scènes clés de l’intrigue au sein du « monde réel », on peut y distinguer d’assez nettes corrélations avec l’iconographie du « monde virtuel » : par exemple, les bandes fluorescentes sur l’hélicoptère de Dillinger rappellent bien sûr les motifs brillants qui parsèment le réseau d’ENCOM ; mais on peut aussi citer l’éclairage à contrejour dans l’habitacle de la camionnette de Bradley quand celui-ci et sa fiancée vont rendre visite à Flynn au début du film et dont le contraste à base de rouge et de noir est très semblable à de nombreuses scènes à l’intérieur de la machine ; de même, la vue de la salle où travaillent les programmeurs dans ces box qui donnent l’impression de s’étaler à l’infini, à la manière de figures fractales ; tout comme le laboratoire du laser de digitalisation avec lequel des éléments du monde réel peuvent être envoyés dans le monde virtuel : un réseau de structures perpendiculaires évoque la structure polygonale en mailles de quadrilatères d’un modèle 3D ; enfin, la dernière image, une vue de nuit de la ville passée en accéléré qui réduit le passage des voitures aux trainés de leurs phares, pourrait très bien passer pour une représentation des flux de données au sein d’un réseau informatique – au reste, quiconque a examiné de près des circuits électroniques a très certainement remarqué combien ils peuvent rappeler les imbrications de rues d’une ville.
Le nombre de ces corrélations permet d’écarter le hasard ou les coïncidences : il semble assez clair que Lisberger a souhaité établir un parallèle entre le monde réel que nous connaissons tous et ce monde virtuel où se déroule l’aventure de Tron. Or, ce dernier est bien un monde du jeu, soit un univers où gagne les plus habiles et les plus rusés, sans aucune considération d’ordre moral. Ainsi peut-on voir dans Tron une représentation d’une certaine réalité sociale, celle du monde du travail, de l’univers de l’entreprise où ce que parviennent à faire les employés compte plus que ce qu’ils sont : où leur utilité leur apporte davantage que leur humanité. Ce n’est bien sûr pas un hasard si Flynn parvient à retrouver dans cet univers-là ce qu’il a perdu dans la réalité, car en tant qu’informaticien il est bien plus à l’aise dans le réseau que n’importe qui d’autre : ses facultés de programmeur s’y trouvent en quelque sorte décuplées par l’absence de freins d’ordre législatif ou administratif, et seuls comptent ses talents.
Ce qui ne constitue jamais rien d’autre qu’une forme d’apologie de la loi du plus fort – que ce film ne parvient à rendre supportable que dans la mesure où un héros l’utilise pour récupérer ce qui lui appartient de droit, c’est-à-dire à travers une représentation somme toute assez naïve – qui reste au final l’équivalent dans le monde virtuel de cette loi de la jungle qui caractérise le monde réel et où la réussite sociale dépend toujours presque entièrement du facteur chance – seule véritable différence entre ceux qui parviennent à un poste élevé et ceux qui restent dans la foule des anonymes. Le lecteur soucieux d’approfondir une telle notion se penchera sur ma chronique du roman L’Homme des jeux de Iain M. Banks.
Il devient donc difficile à présent de ne voir en Tron qu’une simple expérimentation graphique, et même si celle-ci dépasse vite le cadre de l’expérimental pour entrer de plein pied dans celui de la vision pure – soit un résultat auquel bien peu parviennent et qui constitue ainsi un aboutissement tout à fait admirable pour commencer. De par son thème même, soit en plaçant les jeux vidéo au cœur de son sujet, ce film non seulement s’avère précurseur mais il se double aussi d’une représentation tout à fait pertinente de ce qui reste à ce jour un des constituants les plus fondamentaux des systèmes sociaux depuis l’aube des temps.
Notes :
Outre une séquelle sous la forme du jeu vidéo Tron 2.0 (Monolith ; 2003), il ne vous a peut-être pas échappé qu’un film intitulé Tron : l’Héritage, une autre suite de Tron, arrivera sur les écrans français dans une semaine exactement ; qu’autant de créations situées dans la lignée du Tron original sortent plus de 20 ans après celui-ci ne fait que souligner la dimension culte de ce film…
Tron, Steven Lisberger, 1982 Buena Vista Home Entertainement, 2002 91 minutes, env. 20 € (édition collector double DVD)