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Le Voyage fantastique à Nulle Part – Den, tome 1er

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Il émerge d’un vortex d’énergies cosmiques sans aucun souvenir de son passé ni de qui il est. Seules trois lettres résonnent dans son esprit embrumé par ce voyage à travers le temps et l’espace. D… E… N… Son nom est Den. Au loin derrière les dunes du vaste désert qui s’étend devant lui, les ruines d’un édifice mystérieux se tapissent dans la brume. Il ignore encore que les aventures qui l’y attendent feront de lui le sauveur de ce monde en proie à des forces pour qui les hommes ne sont que des proies.

Planche intérieure de la première édition française du comics Le Voyage fantastique à Nulle PartVoilà l’œuvre la plus aboutie de Richard Corben. Certains diront même son chef-d’œuvre, et ils ont peut-être raison. Car Den marque une étape dans la production de son auteur, pourtant à l’époque assez unique sous bien des aspects. Si Corben avait déjà expérimenté dans des créations précédentes sa technique de mise en couleur (1), que je crois pouvoir qualifier de révolutionnaire (2), c’est bien dans Neverwhere qu’il la poussa planches après planches jusqu’aux sommets qui firent sa gloire.

Planche intérieure de la première édition française du comics Le Voyage fantastique à Nulle PartMais résumer Den à une performance graphique reviendrait à en occulter tout ce qui en fait la substantifique moelle : en effet, les images ici servent surtout à sublimer le récit. Une histoire certes déjà lue, comme toutes les autres en fait, mais où les inspirations de Corben se mêlent en un kaléidoscope enfiévré de fureur et de magie, de terreur et d’épique, de futur lointain et de passé bien trop proche pour qu’on puisse l’oublier… Voilà ce qui se tapit entre les cases de Den.

Planche intérieure de la première édition française du comics Le Voyage fantastique à Nulle PartDepuis les plaines arides du Barsoom d’Edgar Rice Burroughs (1875-1950) jusqu’à la rage primitive du combat à l’arme blanche, voire à mains nues que ne renierait pas Robert E. Howard (1906-1936), et en passant par les horreurs issues de dimensions cosmiques de H. P. Lovecraft (1890-1937), on trouve dans Den une juxtaposition d’éléments qui lui donnent une saveur rarement égalée : celle de l’invitation au voyage vers des contrées inconnues mais familières à la fois.

Planche intérieure de la première édition française du comics Le Voyage fantastique à Nulle PartÀ vrai dire, Den nous parle de nous. Non dans ce que notre vernis de civilisation nous donne de faussement sophistiqué, mais bien dans ce qui se cache sous ce polissage artificiel source de toutes les névroses selon Freud (1856-1939). Corben nous montre ce qui arrive quand on efface le progrès, quand on libère de sa cage l’animal tapi au tréfonds de chacun. Voilà en quoi le voyage de Den se différencie de celui de Dorothy au pays d’Oz ou celui d’Alice dans le terrier du lapin.

Planche intérieure de la première édition française du comics Le Voyage fantastique à Nulle PartEn ce milieu des années 70 où Corben entama les premières planches de Den, sans trop savoir où elles le mèneraient d’ailleurs, ce qu’on appellerait un jour la narration graphique restait prisonnière du carcan d’un politiquement correct qui l’empêchait d’aborder certains thèmes. Des artistes comme Corben contribuèrent, et largement, à lui donner cet essor qui se poursuivit tout au long de la décennie suivante jusqu’à en faire un média enfin considéré avec sérieux.

Planche intérieure de la première édition française du comics Le Voyage fantastique à Nulle PartCe n’est d’ailleurs pas un hasard si Den s’évada de l’édition underground dans laquelle stagnaient les productions de Corben jusqu’ici en poursuivant sa publication dans les planches de Métal Hurlant (1975-1987) dont il devint vite la figure de proue – l’expression vient de la quatrième de couverture du second volume de la série – et peut-être même la parfaite expression du « style » Métal. En fait, Den reste surtout le combat d’un auteur pour se libérer des contraintes commerciales.

Planche intérieure de la première édition française du comics Le Voyage fantastique à Nulle PartPour cette raison, il ne faut pas voir de l’érotisme gratuit dans la nudité des personnages, ou bien de la facilité narrative dans les scènes d’action, ou encore du vide intellectuel dans les thèmes abordés qui se réclament d’une science-fiction pour le moins primitive. Même si toutes ces critiques restent recevables, elles passent à côté du sujet : à l’image de son personnage qui ne s’encombre pas de subtilité pour ce qui n’en demande pas, Den donne avant tout un grand coup de balai.

Planche intérieure de la première édition française du comics Le Voyage fantastique à Nulle PartPar une journée sans nuages, pour mieux goûter toutes les subtilités des couleurs sans pareilles de Corben, que Mœbius (1938-2012) lui-même compara à Mozart (1756-1791) (3), installez-vous donc bien confortablement au soleil et lisez le poème de Den dans ce pays magique de plaines arides jonchées de ruines hantées par les fantômes d’époques oubliées et qu’arpentent des lézards géants, des yétis du désert et des hommes-insectes, parmi d’autres habitants fabuleux.

En laissant ses préoccupations d’auteur pour le moins unique en son genre guider son trait déjà bien plus qu’expert dans l’élaboration de cette fascinante croisée des temps et des genres comme des thèmes et des représentations, Corben accoucha avec Neverwhere d’une création incontournable : plus qu’un voyage, c’est une révélation ; plus qu’une œuvre majeure, c’est un manifeste ; plus qu’un monument, c’est peut-être même une étape de l’Histoire du Neuvième Art.

Planche intérieure de la première édition française du comics Le Voyage fantastique à Nulle Part

(1) Il l’utilisa pour la première fois dans le récit court Un Héros caché ! (The Hero within), sur un scénario de Steve Skeates, publié dans le numéro 60 du magazine Creepy en 1974 et présent dans le recueil Eery et Creepy présentent : Richard Corben, Volume 1 (Delirium, novembre 2013, ISBN : 979-10-90916-10-4).

(2) Le lecteur curieux en trouvera une description étape par étape, hélas présentée uniquement en noir et blanc, dans Richard Corben. Vols fantastiques (Fershid Bharucha, Éditions Neptune, 1981).

(3) Jean « Mœbius » Giraud, préface à Den : La Quête, tome 1 (Toth, octobre 1999, ISBN : 978-2-913-99900-8).

Notes :

Le Voyage fantastique à Nulle Part est la suite du court-métrage Neverwhere, (Richard Corben ; 1969) qui mêle animation traditionnelle à des séquences en prises de vue réelles et qui reçut plusieurs prix, dont le CINE Golden Eagle Award.

Cette première aventure de Den en comics servit de base pour un sketch du film Métal Hurlant (Heavy Metal, Gerald Potterton, 1981).

Le Voyage fantastique à Nulle Part – Den, tome 1er (Den), Richard Corben, 1973
Les Humanoïdes Associés (collection Métal Hurlant), 1978
121 pages, environ 30€ (occasion seulement), ISBN-10 : 2-902123-45-0

Corben… or « when Dreams collide »… : un article de fond sur BD Paradisio (fr)
bibliographie des œuvres parues en français
– le site officiel de Richard Corben

Icarus Needs

Visuel du jeu vidéo Icarus NeedsPrésenté par ses développeurs comme une « aventure hypercomique », quoi que ça signifie, Icarus Needs s’affirme comme une production unique : plus proche de la fiction interactive que du jeu, de l’expérience que de l’aventure, ce titre se veut surtout expérimental.

Jugez plutôt sur le synopsis : Icarus s’est endormi en jouant et se trouve à présent enfermé dans un monde surréaliste à mi-chemin du jeu vidéo et de la BD ; mais sa petite amie Kit est elle aussi prisonnière de ce rêve et maintenant Icarus doit non seulement la sauver mais aussi échapper au Roi des Écureuils et retrouver le chemin du monde de l’éveil…

Alléchant, non ? Si ça vous interpelle autant que moi…

C’est sur Kongregate que ça se passe

Il était une fois… l’Espace

Jaquette DVD du premier volume de l'édition intégrale en deux coffrets de la série TV Il était une fois... l'EspaceLe XXXe siècle. Tout comme la Terre mais aussi plusieurs autres mondes et systèmes habités par des cultures extraterrestres, la planète Oméga fait partie de la Confédération, cette grande puissance galactique qui joue un rôle majeur dans le maintien de la paix entre les différentes civilisations de l’univers connu. Ce rôle de gardien de l’équilibre des forces échoit pour l’essentiel à sa police spatiale dont font partie les jeunes cadets Pierrot et Mercedes, alias Psi, qu’épaule leur partenaire robot Métro.

Leurs différents missions vont des patrouilles de routine aux prises de contact avec d’autres mondes susceptibles de rejoindre la Confédération, en passant par la neutralisation des différents groupes qui menacent les peuples. Parmi ceux-là, la planète Cassiopée pose toujours plus de problèmes. D’ailleurs, l’ombre d’une autre puissance semble se profiler derrière elle : s’agit-il d’une culture jusqu’ici inconnue, ou au contraire la résurgence d’un ennemi oublié ?

Quoi qu’il en soit, l’équilibre qui maintient la Confédération depuis des siècles semble bel et bien sur le point de s’effondrer…

Il y eut une époque où on ne voyait pas d’inconvénient à joindre l’utile à l’agréable même dans des créations destinées à un public en général d’autant plus facile à satisfaire qu’il se trouvait jeune ; au contraire, cette jeunesse devenait la première raison derrière la dimension didactique de l’œuvre qui servait de la sorte à apprendre tout en s’amusant. Si nombre de productions Walt Disney adoptèrent ce principe, on peut aussi évoquer parmi les créations européennes la série TV d’animation Il était une fois… l’Homme (1978) d’Albert Barillé (1920-2009), une pionnière dans le genre, qui vulgarisait avec intelligence des éléments tant scientifiques qu’historiques à travers une narration de l’histoire de l’humanité – j’insiste sur ce terme de narration puisqu’on trouvait bel et bien dans cette œuvre des personnages récurrents dont les destins s’entrecroisaient en formant de véritables récits.

Pourtant articulée autour d’une idée semblable, celle de la transmission d’un savoir et d’une connaissance grâce à une réelle pédagogie, Il était une fois… l’Espace (1982) donne au premier abord l’impression d’ambitions plus simples : avec son univers futuriste typique du space opera sur lequel plane l’ombre évidente de Star Trek (Gene Roddenberry ; 1966-1969) et où trouvent lieu nombre d’aventures laissant une place abondante à l’action, cette production-là semblait plus axée sur le pur divertissement que son prédécesseur, et ce malgré l’exposition de plusieurs éléments relatifs aux techno-sciences – comme celles concernant les connaissances astronomiques par exemple. Malgré tout, cette série parvenait avant tout à vulgariser avec une sensibilité certaine un genre jusqu’alors hors de portée des jeunes enfants : la science-fiction.

Car on trouve dans Il était une fois… l’Espace nombre de thèmes typiques du domaine, mais ici traités avec finesse à la différence de la plupart des autres productions audiovisuelles relevant du genre et qui n’en conservaient alors que les éléments les plus spectaculaires. Parmi ces axes, on peut citer en particulier : l’intelligence qui se développe dans une forme de vie ne pouvant normalement pas l’accueillir ; les visiteurs de l’espace qui se font passer pour des divinités aux yeux des habitants d’une planète au niveau technologique préhistorique (1) ; la révolte des robots qui s’estiment supérieurs aux hommes quand ceux-là pensent que la pure logique mécanique ne peut rivaliser avec sensibilité et compassion ; les voyageurs de l’espace qui ont passé tant de siècles en hibernation que l’Histoire les a rattrapés à leur réveil ; l’Atlantide comme une colonie fondée jadis par des extraterrestres ; les navires de l’espace tueurs de mondes ; une scène politique complexe, à l’échelle de la galaxie et où les rapports de force se montrent souvent délicats.

Mais on y trouve aussi une description des faits marquants du troisième millénaire, à travers ce qui prend presque l’allure d’une « histoire du futur » (2) résumée lors d’un épisode et où d’autres thèmes marquants se trouvent évoqués dans un portrait de l’avenir où transparaît une véritable conscience historique des rapports entre les événements qui ne laisse aucune place à l’optimisme béat : la destruction de l’environnement due à la surpopulation menant à l’eugénisme qui provoque les tensions sociales où prend racine une guerre mondiale dont la planète ressort anéantie, précipitée dans un nouvel Âge sombre étalé sur plusieurs siècles ; dans la troisième Renaissance qui s’ensuit, la guerre se trouve bannie mais les progrès techniques qui donnent aux hommes l’impression de se sentir inutiles les poussent à détruire leurs machines et leurs robots, en les renvoyant ainsi à nouveau en arrière : seule la conquête de l’espace, enfin, permet à l’humanité de dépasser ses limites, et notamment à travers la fondation d’Oméga…

Il vaut néanmoins de noter qu’on trouve aussi dans Il était une fois… l’Espace de nombreux autres thèmes sans rapport avec la science-fiction mais malgré tout intéressants et parfois même assez innovants pour l’époque. Ainsi, de nombreux éléments à caractère progressiste tiennent une place centrale : par exemple, si la Confédération d’Oméga est dirigée par une femme – présidente démocratiquement élue –, elle comprend aussi plusieurs types raciaux – la protagoniste principale féminine, Psi, affiche une couleur de peau non conventionnelle. De plus, plusieurs épisodes illustrent les problématiques de mythes classiques comme celui de Prométhée, de la Pomme de Discorde ou de David contre Goliath, parmi d’autres. Enfin, des questionnements d’ordre philosophique, ou du moins métaphysique se trouvent au centre de plusieurs épisodes : le sentiment d’insécurité des hommes face au système technique (3), l’impossibilité pour celui-ci de remplacer un jugement humain, l’opposition entre la solidité apparente des dictatures et la fragilité des démocraties, etc.

Et cette richesse thématique trouve un écho dans une créativité artistique qui de nos jours encore reste étonnante par sa qualité et sa réalisation. Si l’animation en elle-même correspond aux standards de l’époque, les différents designs échafaudés par Procidis et le studio japonais Eiken démontrent une volonté de réalisme encore assez rarement affichée en ce temps-là, du moins dans les séries d’animation : les décors et les différentes machines, vaisseaux et véhicules, tous très détaillés, se veulent résolument palpables – à défaut de tout à fait réalistes. On ne peut, sur ce point, passer sous silence le travail de Philippe Bouchet, alias Manchu, qui à l’époque avait déjà collaboré à Ulysse 31 (1981) et dont l’immense talent, déjà, parvenait à donner une personnalité peu commune à ses designs ; il est d’ailleurs assez étonnant de voir comme ce jeune artiste se trouvait à l’époque encore profondément influencé par le style de Chris Foss, ce qui d’ailleurs donne à Il était une fois… l’Espace une bonne partie du classicisme de ses visuels – et je parle bien de classicisme SF…

Pour toutes ces raisons, ceux d’entre vous qui connaissent le bonheur de la parenté et qui souhaitent sensibiliser leurs enfants aux problématiques courantes de la science-fiction, mais aussi d’autres, relatives à des domaines différents bien que tout aussi importants, se verront bien inspirés de se procurer l’intégrale de cette œuvre à bien des égards exceptionnelle.

(1) ce qu’on appelle la troisième des lois de Clarke.

(2) dans le vocable de la science-fiction, ce terme désigne une suite de récits qui dépeignent un avenir en évolution et dont chaque histoire permet d’en explorer un segment ; beaucoup d’écrivains de science-fiction ont produit des séries de ce type, tels qu’Isaac Asimov (1920-1992), Arthur C. Clarke (1917-2008) ou Robert A. Heinlein (1907-1988), pour citer les plus connus.

(3) pour plus de détails sur ce point, se reporter à l’ouvrage-phare de Jacques Ellul intitulé Le Système technicien (Le Cherche Midi, collection Documents et Guides, mai 2004, ISBN : 2-749-10244-8).

Il était une fois… l’Espace (Ginga Patrol PJ), Albert Barillé & Tsuneo Komuro, 1982
IDP Home Video, 2006
26 épisodes, environ 20 € l’intégrale en deux coffrets

Méka, tome 2nd

Couverture du second tome de la BD MekaCaporal Ninia Onoo, armée du Levant. Ma mission : contrer l’avancée des troupes ennemies dans la guerre qui nous oppose aux troupes du Couchant. Avant de devenir pilote, je dois faire un stage de mécano dans les entrailles d’un Méka. Mais contre des dégâts trop importants, je ne suis pas qualifiée. Maintenant que notre Méka est H.S, je dois improviser pour survivre en terrain hostile, tout en traînant mon empoté de pilote, le lieutenant Enrique Llamas. Mais il paraît que la survie est à ce prix…

En se plaçant en porte-à-faux du tome précédent, ce second volume illustre une méthode assez connue des graphistes comme des feuilletonistes : l’interversion. Pour simplifier, on prend les mêmes mais pour produire l’inverse de ce qu’on a fait précédemment. Après leur odyssée dans les entrailles de leur Méka, le lieutenant Llamas et le caporal Onoo se trouvent donc au-dehors de celui-ci : toujours naufragés en territoire a priori hostile mais à pieds… De sorte que, une fois de plus, le récit s’articule autour d’une certaine originalité, car on voit rarement les pilotes de mechas défendre leur peau à mains nues, ou presque nues – même si c’est arrivé plus souvent qu’on croit : inutile de citer des exemples.

Une nouvelle épreuve attend ces deux soldats survivants, pour laquelle ils ne reçurent aucune préparation. Ils doivent en effet faire face aux conséquences pour le moins sanglantes de leur bataille parmi les civils innocents. Le récit atteint là des sommets de l’horreur bien à la hauteur des classiques du genre, et en particulier ceux postérieurs à la série TV Invincible Super Man Zambot 3 (Yoshiyuki Tomino ; 1977) qui reste encore à ce jour un pilier du domaine. Pour nos deux soldats, ces tensions seront l’occasion de raviver leurs querelles, et à travers celles-ci d’en apprendre davantage sur eux-mêmes ou du moins sur leurs limites. Et le lecteur, de son côté, verra combien le rôle de juge peut s’avérer difficile, comme dans tout bon récit de real mecha.

Quant à la conclusion, si de même que le reste du récit elle parvient à s’éloigner des truismes du genre, elle emprunte néanmoins dans ce but des chemins certes inattendus mais qui donnent l’impression de sortir de la juridiction du domaine mecha en s’ouvrant à des éléments narratifs plus convenus bien qu’avec une qualité de scénario comparable.

Certains apprécieront le revirement, et d’autres moins. Mais une chose est sûre : Méka vaut bien le coup d’œil.

Planche intérieure du premier tome de la BD Méka

Méka, t.2 : Outside, Jean-David Morvan & Bengal
Delcourt, collection Neopolis, août 2005
48 pages, env. 14 €, ISBN : 978-2-847-89775-3

– chronique du tome précédent : Inside
– d’autres avis : Sceneario, Planète BD, BD Sélection

Méka, tome 1er

Couverture du premier tome de la BD MekaLieutenant Enrique Llamas, armée du levant. Ma mission : contrer l’avancée des troupes ennemies dans la guerre qui nous oppose aux troupes du couchant. Pour ce qui est de piloter un Méka, je suis le meilleur ! Mais je n’ai jamais été entraîné à évoluer à pied sur le champ de bataille… C’est pourtant ce que nous devons faire, moi et Ninia Onoo, ma mécano, maintenant que notre Méka est H.S. Pour la première fois de ma vie de soldat j’ai peur, mais il paraît que la survie est à ce prix…

Des mechas, on a déjà tout vu. Leur taille, immense. Leur allure, toujours très recherchée. Leurs armes, de destruction massive. Leur cockpit, à la sophistication inouïe. Leur hangar, à leur échelle… Il n’y a que leurs entrailles qu’on ne connaît pas, ou si peu : à peine aperçues dans l’adaptation en série TV du manga Getter Robo (Go Nagai & K. Ishikawa ; 1974) et dans sa suite Getter Robo G (1975), principal lieu de vie des protagonistes de l’anime Space Runaway Ideon (Yoshiyuki Tomino ; 1980), elles restent peu exploitées dans les diverses productions du genre qui leur préfèrent en général des scènes d’extérieur où l’action peut prendre toute son ampleur. C’est pourtant ce cadre-là que choisit Jean-David Morvan pour commencer le récit de Méka.

Planche intérieure du premier tome de la BD MékaUn choix qui, d’emblée, place donc Méka à part. Car, aussi surprenant que ça puisse paraître, le premier tome de cette courte série nous propose un huis clos. Et comme la plupart des narrations articulées autour d’un tel procédé, Inside fait la part belle aux tensions qui agitent les deux personnages piégés à l’intérieur de leur Méka tout en nous renseignant d’ailleurs en même temps sur les dimensions proprement colossales de cet engin. Au lieu de l’exploration d’un univers, l’album nous propose donc de découvrir deux protagonistes dont les caractères respectifs rendront leur cohabitation forcée pas toujours simple ; à leur décharge, on admettra volontiers que leur situation de naufragés en zone de guerre ne prête pas à rire pour commencer.

Et à cet effet, le dessinateur Bengal nous propose des graphismes pour le moins originaux. Évoquant plus des esquisses que des dessins à proprement parler, ils ne vont pas sans rappeler le Olivier Ledroit d’une époque, ce qui ne plaira pas forcément à tout le monde, mais ils confèrent aussi à l’action un dynamisme rare de même qu’un sens de la démesure qui exprime à merveille la force de frappe titanesque des Mékas. Il faut aussi souligner un mecha design tout en courbes qui rappelle assez Masamune Shirow et donne aux diverses machines une identité et une personnalité fortes ; y compris, et comme il se doit vu le thème de ce premier volume, aux entrailles du Méka abattu dont les mécanismes internes pourront se montrer… surprenants.

Planche intérieure du premier tome de la BD MékaInhabituel à bien des égards, ce premier tome de Méka s’affirme comme une surprise agréable qui laisse présager une conclusion hors norme : si les mechaphiles ne voudront pas passer à côté, les autres se verront bien inspirés d’y jeter un coup d’œil – ils y trouveront l’occasion de constater que les récits de mechas ne s’articulent pas toujours forcément autour des mêmes clichés.

Ce qu’on ne répétera jamais assez…

Méka, t.1 : Inside, Jean-David Morvan & Bengal
Delcourt, collection Neopolis, mai 2004
48 pages, env. 14 €, ISBN : 978-2-847-89296-3

– chronique du tome suivant : Outside
– d’autres avis : Sceneario, Planète BD, BD Sélection

Children Who Chase Lost Voices from Deep Below

Affiche japonaise originale du film Children Who Chase Lost Voices from Deep BelowAsuna consacre une bonne partie de sa solitude à écouter l’étrange musique du cristal qu’elle reçut de son père avant sa mort. Un jour, un mystérieux garçon, Shun, vient à son secours alors qu’elle est attaquée par une bête à l’allure d’ours et les deux jeunes gens sympathisent jusqu’à ce que Shun disparaisse soudain. En voulant le retrouver, Asuna finit par rencontrer Shin, le frère cadet de Shun, grâce auquel elle entrera dans le mystérieux monde souterrain d’Agartha où, dit-on, se trouve un moyen de ressusciter les morts…

Si le choix de la fantasy étonne dans un premier temps de la part de ce réalisateur qui a surtout fait de la science-fiction jusque-là, il faut préciser qu’on y trouve très peu de scènes d’action et encore moins d’intrigues de cour, pas plus que de romance historique : Makoto Shinkai se place plutôt dans le sillage de Studio Ghibli pour nous présenter sa propre vision du mythe d’Orphée, et les divers éléments qui évoquent les poncifs de la fantasy bas de gamme servent en réalité à faire vraiment avancer le scénario au lieu de le remplir – les scènes d’action, ici, somme toute aussi sporadiques que courtes, ne phagocytent pas le récit qui, lui, ne se résume pas à une autre sempiternelle lutte du bien contre le mal.

Sur le plan des idées, par contre, Children Who Chase Lost Voices From Deep Below se montre hélas un peu plus commun, pour ne pas dire assez banal. On apprécie néanmoins de voir les thèmes chers au réalisateur – peur de la solitude, perte de l’être aimé,… – présentés ici d’une manière inattendue et dans un décorum qui en laissera plus d’un pantois. De même, on se réjouit que le scénario ne cède pas aux codes des blockbusters mais au contraire n’hésite pas à supprimer des personnages auxquels on a pu s’attacher – c’est avant tout une histoire de mort…

Surprenant sous bien des aspects, réalisé d’une main de maître, Children… vaut donc très largement le coup d’œil, mais de préférence sur grand écran : je vois mal, en effet, comment rendre autrement justice aux vastes tableaux qu’il présente.

Note :

Bien qu’indisponible en France à l’heure actuelle, ce film doit néanmoins sortir en DVD chez Kaze au mois de juillet 2012, sous le titre de Voyage vers Agartha.

Children Who Chase Lost Voices from Deep Below (Hoshi o Ou Kodomo)
Makoto Shinkai, 2011
116 minutes

– le site officiel du film (jp)
– d’autres avis : L’Antre de la Fangirl, La Clinique du Docteur Nock

Les Aventures de Kébra

Couverture de la BD Les Aventures de KebraQuand Kébra déboule, y’a pas d’écroule ! Retrouvez les meilleures histoires du rat le plus déjanté de la BD : le must de la compil, le kraignos kollector à faire frémir…

La fin des années 70, dans une banlieue de Paris où Kébra et ses poteaux zonent toute la journée : à peine majeurs et déjà loubards, ils vivent de petites rapines, de concerts, de cames en tous genres et de bastons, mais sans jamais perdre de vue le côté drôle des choses.

Né en 1960, Kébra ne connut pas d’aventures en BD avant 1978, soit à 18 ans seulement – à l’âge con donc, à l’âge bête. Créé par les plumes de Tramber et Jano, respectivement le narrateur et l’artiste, il se présenta d’abord sous les traits d’un simple loubard de banlieue qui pointait sa truffe dans le deal des protagonistes principaux d’une histoire courte, avant de devenir le héros de ses propres bandes. Encore que le terme de « héros » ne lui convient pas forcément très bien : si à la manière des cartoons il arbore un certain anthropomorphisme, mais d’inspiration bien française, il reste néanmoins un pur produit de son temps, soit la période post rock & roll à nette tendance punk, c’est-à-dire sans aucune considération pour les valeurs sociales.

Planche intérieure de la BD Les Aventures de KébraKébra, à vrai dire, est un pur délinquant, comme l’indique très bien son nom d’ailleurs, mais pour peu qu’on le prononce à l’endroit et non en verlan. Lui et ses potes des Radiations, son groupe de rock champion du massacre des grands titres comme de ceux qu’il compose, il vit sur le dos des autres – de préférence en les insultant – et n’aspire à rien d’autre qu’à de la dope et des femmes, mais aussi du fric facile et une célébrité d’autant plus douteuse qu’elle repose sur le tapage nocturne, la violence urbaine et les deals en tous genres. Surtout les plus foireux d’ailleurs… Kébra est une loque, en fait, un merdeux qui parle trop fort et sans même un grand cœur mais au langage si exotique qu’il en devient vite charmant. ‘Façon de parler, bien sûr…

En réalité, donc, Kébra est un con, mais un con attachant, comme peuvent l’être tant d’imbéciles. Il se la joue toujours trop, râle en permanence, s’enflamme pour un rien, chie sur ses parents qui le valent bien, blinde truffe baissée dans les pires emmerdes au guidon de son vespa rose bonbon, trouve toujours le moyen de tomber dans les pattes de la bande à Kruel et de ses Hell’s avec lesquels il vaut mieux ne pas trop rigoler, et à chaque fois en redemande. Pur archétype du loubard en jean et perfecto, Kébra compte parmi ces bras cassés qui ne parviennent jamais à rien en raison de leur inaptitude à vivre avec les autres comme à travailler, et au lieu de ça accusent la société. On en a tous connu, des plus ou moins amusants, des plus ou moins tragiques…

Planche intérieure de la BD Les Aventures de KébraKébra, pourtant, reflète l’esprit de son temps. Ici, celui d’une époque où l’abondance touchait à sa fin et où deux chocs pétroliers avaient montré à l’occident combien il pouvait être fragile : dans cette crise qui s’amorçait, et qui présentait déjà plusieurs visages, les rebuts du système trouvaient une justification à leur existence mais aussi, pire, à leur paresse – si le monde d’après-guerre avait échoué à bannir ses démons, alors pourquoi ne pas compter parmi ceux-là après tout ? À travers ce constat désabusé, Tramber et Jano nous dressait un portrait de ces banlieues où, déjà, on laissait croupir des gens dont on avait ravi l’avenir ; mais un portrait aux accents de caricature du dimanche, de vaudeville postmoderne, de bonne blague en somme.

Loin d’une intégrale, Les Aventures de Kébra évoque plutôt un best of où on voit les gags en une planche simple évoluer peu à peu vers des aventures nocturnes et banlieusardes plus longues jusqu’à finir par sortir de ce cadre, signe que les auteurs avaient passé un cap et se sentaient prêts pour d’autres choses. Voilà pourquoi le lecteur conquis pourra envisager de compléter avec Kébra krado komix et La Honte aux trousses !, ainsi que Le Zonard des étoiles pour la beauté du geste. Quant à cette édition, on aurait apprécié une chronologie mieux respectée dans la présentation de ces bandes pour mieux restituer l’évolution du personnage comme celle de la narration et du trait, même si certains pourront penser que c’est un chipotage.

Planche intérieure de la BD Les Aventures de KébraCar cet opus reste quoi qu’il en soit une compilation de très bonne tenue par son focus sur les premières années de la jeunesse dingue du rat le plus déjanté de la BD, avec couverture en dur et de bonnes reproductions pour ces courtes bandes à présent introuvables en librairie, et bien que certaines d’entre elles, ici, ne retiennent pas les quelques couleurs d’origines.

Alors, à quand l’intégrale définitive ?

Les Aventures de Kébra, Tramber & Jano, 1978-1982
Albin Michel, collection L’Écho des Savanes, 1997
110 pages, env. 22 €, ISBN : 978-2-226-09253-3

– le site officiel de Tramber
– le site non officiel de Jano

Porco Rosso

Jaquette DVD de l'édition française du film d'animation Porco RossoUne légende courrait parmi les pilotes d’avions de la Grande Guerre : celui qui plaquerait ses équipiers dans un combat reviendrait au sol avec une tête de cochon.

Marco a écopé de cette malédiction, pourtant c’est un pilote exceptionnel dont la bravoure ne fait aucun doute. Bien des années ont passé depuis la guerre : sous le nom de Porco Rosso, il vole à présent pour son compte depuis qu’il a quitté l’Italie devenue fasciste. Moyennant finances, il lutte contre les pirates de l’air qui écument la Mer Adriatique pour détrousser les riches en croisière.

Un jour, un jeune as américain nommé Curtis rejoint une de ces bandes. Son but : trouver Porco Rosso et l’abattre en duel aérien pour devenir célèbre…

Difficile de ne pas trouver de raisons de recommander un Miyazaki et celui-ci ne fait pas exception à la règle. Cependant, Porco Rosso tend à se placer à part dans le sens où, bien que porteur des thèmes récurrents chers à Miyazaki, il est aussi bourré d’un humour détonnant, une forme de burlesque populaire, voire de franc vaudeville, qui, de manière assez surprenante, ne va pas sans rappeler les productions Walt Disney pourtant à l’envergure bien plus internationale…

Mais que ceci ne rebute pas ceux d’entre vous peu portés sur ce type de productions car Porco Rosso reste tout à fait nippon dans l’âme malgré tout : disons pour faire court qu’il s’agit peut-être du Miyazaki le plus léger et le plus insouciant qu’il vous sera donné de voir, et aux dernières nouvelles ce n’est pas un défaut pour un film d’être drôle.

Ajoutez à ça une animation de première qualité dont les quelques faiblesses se voient à peine et ne se comptent que sur les doigts d’une main, des personnages tous bien campés et très attachants, une ambiance méditerranéenne tout aussi bien dépeinte que fidèle, des combats aériens orchestrés à merveille mais qui savent éviter la violence pour ne laisser que la gaieté du spectacle, et vous avez là un excellent divertissement pour tous les publics.

Notes :

Ce film est basé sur le manga Hikoutei Jidai (飛行艇時代, L’Ére des hydravions) de Hayao Miyazaki, qui fait partie de la série Zassou Note publiée dans le magazine Model Graphix. Il devait au départ s’agir d’un simple court-métrage destiné à la projection durant les vols de la Japan Airlines.

Miyazaki aurait mentionné dans une chatroom que la scène de l’avion fantôme était inspirée par un récit de l’écrivain britanno-norvégien Roald Dahl (1916-1990), auteur notamment du célèbre roman Charlie et la Chocolaterie (Charlie and the Chocolate Factory ; 1964).

Porco Rosso entretient des points communs avec la série TV Haha o Tazunete Sanzen Ri (Isao Takahata ; 1976) sur laquelle travailla justement Miyazaki : par exemple, les protagonistes de ces deux œuvres s’appellent tous deux Marco et viennent de Gênes.

Porco Rosso, Hayao Miyazaki, 1992
Buena Vista Home Entertainment, 2006
89 minutes, env. 15 €

– le site officiel du Studio Ghibli (jp)
– d’autres avis : MondoCinema, Les enfants de cinéma, Film de Culte

Cette chronique fut à l’origine publiée sur le site Animeka

Dan Dare, Pilote du futur

Couverture d'une édition française du comic Dan Dare, Pilote du futurÀ l’ambassade vénusienne de Londres, on donne une grande réception pour fêter le retour à la paix. Quand soudain, une alerte retentit au Q.G. de la Flotte Spatiale : un vaisseau mystérieux vient de surgir dans le système solaire et se dirige vers la Terre. Le colonel Dare parvient à l’intercepter mais l’appareil explose sous ses yeux et ses restes tombent dans l’océan. Alors que la Flotte Spatiale organise la récupération de l’épave, nul ne sait qu’un rescapé du navire extraterrestre a atterri dans la jungle amazonienne…

Feuilleton-phare de l’hebdomadaire Eagle dès le tout premier numéro du magazine en avril 1950, Dan Dare, Pilote du futur devint vite une référence du genre. Créée, scénarisée et dessinée par Frank Hampson (1918-1985), qui lui consacra tant d’énergie que sa santé en souffrit à deux reprises, cette œuvre s’affirmait par ses illustrations de très grande qualité, ses intrigues à la fois longues et complexes qui s’étendaient parfois sur plus d’un an de parution, et l’attention que prêtait son auteur à la plausibilité techno-scientifique du récit – Arthur C. Clarke (1917-2008) travailla d’ailleurs sur la première aventure de Dan Dare. Héritière des pulps sous bien des aspects, cette série laissait néanmoins une place abondante à l’action, au suspense, à l’humour et aux effets spéciaux…

Case d'une planche intérieure du comics Dan Dare, Pilote du futurAinsi, il apparaît assez vite que Dan Dare reste avant tout une œuvre simple pour un lectorat adolescent et de préférence masculin. Mérite d’ailleurs d’être rappelé que le magazine Eagle où ce feuilleton fit ses débuts fut fondé par un prêtre anglican qui souhaitait créer une publication pour la jeunesse incarnant les valeurs chrétiennes. Voilà pourquoi, en dépit de leur complexité apparente, soit un aspect de forme, les aventures de Dan Dare restent en fin de compte assez sommaires dans leurs idées, c’est-à-dire sur le fond. Il faut dire aussi qu’avec son personnage principal tout à la fois jeune, beau, fort, intelligent, intègre et célibataire endurci, un lecteur adulte peut difficilement prendre ce strip au sérieux pour commencer…

Case d'une planche intérieure du comics Dan Dare, Pilote du futurCe qui n’étonne guère après tout. À y regarder de près, la science-fiction littéraire de l’époque elle-même se montrait assez peu convaincante en dehors de ses éléments techno-scientifiques : il fallut en effet attendre la révolution New Wave des années 60 et 70 pour voir arriver des récits satisfaisants sur les aspects purement humains ; aussi, avec ses monstres de l’espace ou de l’océan, ses extraterrestres bigarrés, ses guerres spatiales contre Venus, et notamment les Treens menés par le Mekon, mais aussi ses protagonistes bâtis comme des super-héros et qui s’en sortaient toujours par leur courage et leur sang-froid autant que par leur force et leur adresse, Dan Dare semblait bien souvent en retard de dix ans au bas mot.

Case d'une planche intérieure du comics Dan Dare, Pilote du futurPour autant, il ne faut pas croire que ses racines pulps disqualifient Dan Dare. Bien au contraire. C’est précisément l’aspect rétro de cette œuvre qui la rend indispensable, et en particulier celui de sa partie graphique. Car ici les navires spatiaux arborent toutes les formes extravagantes et les couleurs vives d’antan, les scaphandres collent à la peau en laissant saillir les muscles, les monstres sont gigantesques, les inventions toujours révolutionnaires, les départs des héros vers le fin fond de l’espace forcément une aventure et leurs retours prétextes à une liesse populaire générale. À vrai dire, Dan Dare est un pur bonheur de fan de science-fiction – ou du moins de fan nostalgique d’une certaine époque du genre.

Pour cette raison, vous auriez tort de passer à côté : ouvrir une aventure de Dan Dare, c’est plonger avec délice dans un de ces plaisirs d’autrefois sur lequel le temps n’a plus aucune prise – ce qu’on appelle un classique.

Case d'une planche intérieure du comics Dan Dare, Pilote du futur

Adaptations :

En feuilletons radiophoniques : sur Radio Luxembourg, pendant cinq ans à partir de juillet 1951, et sur BBC RAdio 4 d’avril à mai 1990 pour quatre épisodes reprenant la partie Voyage to Venus (1950-1951) de la série.

En jeux vidéo, sous le titre de Dan Dare: Pilot of the Future, sorti en 1986 chez Electronic Arts ; ce titre connut deux séquelles : Dan Dare II: The Mekon’s Revenge (1988) et Dan Dare III: The Escape (1990).

En série TV d’animation, sous le titre de Dan Dare: Pilot of the Future, produite en 2002 d’abord par Netter Digital puis par Foundation Imaging, en 26 épisodes de 22 minutes. Cette série eut sa propre adaptation en comics.

Un long-métrage pour le cinéma a été annoncé en juillet 2010 comme étant en préparation chez la Warner, avec Sam Worthington dans le rôle principal.

Notes :

Frank Hampson dessina Dan Dare jusqu’en 1959, mais des désaccords avec Eagle le firent abandonner cette série ; d’autres artistes prirent sa suite jusqu’en 1967 où elle s’arrêta. Elle reprit du service dans 2000 AD en 1977, puis dans Eagle nouvelle série en 1982. Revolver accueillit en 1990, une série intitulée Dare qui se voulait une satire de l’Angleterre thatcherienne, et The Planet proposa dans son unique numéro, en 1996, un récit inachevé de Dan Dare que dessina Sydney Jordan. Enfin, Virgin Comics publia en 2008 une série courte en sept numéros par Garth Ennis et Gary Erskine : la Flotte Spatiale s’est effondrée suite à une guerre nucléaire entre les États-Unis et la Chine, et les défenses de la planète ont été vendues au Mekon par l’Angleterre ; Dan Dare se bat pour défendre la Terre autant que ses valeurs personnelles.

Le succès et la popularité de Dan Dare se mesurent aussi aux œuvres qu’il a influencé. On peut citer entre autres le personnage de Roy Risk apparu au cours des années 80 dans le comics Captain Britain (1976) de Marvel Comics, mais on peut aussi évoquer le travail de Warren Ellis qui a déclaré dans la postface de sa mini-série Ministry of Space (2001-2004) que Dan Dare fut une importante inspiration pour la création de cette histoire et de son univers.

Plusieurs chanteurs et groupes célèbres, tels que Syd Barrett (1946-2006) et David Bowie, rendirent hommage à Dan Dare dans les paroles d’un de leurs morceaux. Elton John, par contre, lui consacra une chanson complète, Dan Dare (Pilot Of The Future), dans son album Rock Of The Westies (1975).

Dan Dare, Pilote du futur (The Man From Nowhere), Frank Hampson, 1955
Les Humanoïdes associés, Collection Métal Hurlant, septembre 1983
47 pages, env. 8 € (occasions seulement), ISBN : 2-7316-0234-1

Tron : l’héritage

Affiche française du film Tron : l'héritageDepuis 20 ans et alors qu’il n’en a pas encore 30, Sam est le principal actionnaire d’Encom, la plus grande société de développement informatique de la planète. Mais il ne s’intéresse pas à la gestion de cette firme que dirigeait jadis son père, Kevin. Ce que veut Sam, justement, c’est retrouver son père disparu il y a 20 ans. Retrouver son père qui lui racontait le monde de la « Grille » – un univers de bits et d’algorithmes où les programmes sont des êtres pensants et où tout reste à construire…

Et puis un jour, un appel sur un beeper lui donne une piste, qui lui fait trouver dans l’ancien bureau de son père un accès instantané vers cette « Grille » dont Kevin lui avait tant parlé… Mais rien n’y est comme il le lui avait décrit, car c’est un monde empli de vie, ordonnée et hiérarchisée : une civilisation entière… Mais aux ordres de qui ? De son père Kevin ou bien de quelque chose d’autre ? Quelque chose d’aussi inhumain qu’un programme peut-être…

Inutile de tourner autour du pot : ce qu’on peut retenir de Tron : l’héritage, ce ne sont que les images et les sons. Le reste, tant sur le plan de l’univers que de l’intrigue a déjà été vu et revu, et tant de fois qu’il aurait été très difficile pour le scénario de proposer quoi que ce soit de nouveau autour de ce thème si ancien que beaucoup le considèrent comme le tout premier de la science-fiction – ce qui ne nous rajeunit pas… Car au final ce film n’est jamais qu’une autre variation de plus sur le « Complexe de Frankenstein » (1) mais ici présentée sous les traits d’un pseudo-Matrix (Andy & Larry Wachowski ; 1999), l’originalité graphique en moins.

Ce qui agace d’autant plus que le premier Tron (Steven Lisberger ; 1982) avait non seulement abordé le concept de cyberespace au cinéma près de 20 ans avant le film des Wachowski, mais il avait aussi su dépasser la problématique depuis longtemps bien simpliste de l’homme en butte contre sa propre création. En fait, Tron : l’héritage semble avoir complétement oublié la véritable portée du film qu’il prolonge pour s’aligner sur le vide intellectuel abyssal du dernier blockbuster en date bâti autour du thème du cyberespace – comme une sorte de reddition devant la toute-puissance du box-office et de sa nullité culturelle inhérente.

Ce qui étonne peu mais déçoit malgré tout beaucoup. Pas d’étonnement car on ne peut être visionnaire sur commande, et surtout pas comme le Tron original l’était en son temps ; mais de la déception car on ne s’attendait quand même pas à autant de poncifs compilés en aussi peu de temps – un écueil que même Tron 2.0, le jeu vidéo de Monolith, sut éviter. À peine peut-on y distinguer une tentative – bien timide – de représentation de ce trait de caractère des programmeurs qui poussent parfois un peu trop loin la chasse aux bugs dans leurs lignes de code – et pour autant qu’un tel sujet mérite un film.

Une fois dépassé ce thème à présent deux fois centenaire de l’inventeur en lutte contre sa propre création, il n’y a hélas rien à sauver de ce film. Restent donc la 3D, bien discrète d’ailleurs, ce qui là aussi étonne assez peu, et la direction artistique dans son ensemble : ni l’une ni l’autre ne révolutionneront quoi que ce soit, à peine se montreront-elles adéquates, sans plus, et vous offriront-elles un bon moment.

C’est toujours ça de pris, vous me direz, mais tout de même, Tron méritait mieux que ça. Bien mieux…

(1) cette expression désigne la peur du créateur envers sa créature et la rébellion possible de cette dernière contre son « père » ; dans le genre de la science-fiction, on la trouve surtout comme thème central des récits présentant des robots qui acquièrent une forme d’autonomie intellectuelle – en particulier dans l’œuvre de l’écrivain Isaac Asimov (1920-1992).

Notes :

Tron : l’héritage reçut aux Oscars 2011 la nomination pour le Meilleur montage sonore.

Un projet de série TV d’animation en 10 épisodes, intitulé Tron: Uprising, est actuellement en cours de production ; sa diffusion à la télévision américaine est prévue pour 2012.

La bande originale du film composée par le célèbre groupe français de musique électronique Daft Punk eut sa sortie mondiale le 6 décembre 2010 ; cependant, divers sites avaient dévoilé certains morceaux comme Derezzed ou Outlands avant cette date.

Une adaptation du film en jeu vidéo, intitulée Tron: Evolution, est sortie le 3 février dernier sur PlayStation 3, Wii, Windows, Xbox 360, Nintendo DS et PlayStation Portable. Comme pour le film, la bande originale de ce jeu est composée par Daft Punk. C’est à ce jour le onzième jeu vidéo directement inspiré de la franchise Tron.

Tron : l’héritage (Tron: Legacy), Joseph Kosinski
Walt Disney Pictures, 2010
127 minutes, tous publics

– le site officiel
– le blog d’info du film
– d’autres avis : Critikat, Écran Large, GamonGirls, Fan de Cinéma, Télérama
– sur WordPress : 1 FILM 1 SMILEY, Le Pont du 7e art, Renaud Meyer
– sur la blogosphère : Julien Blog, Phil Siné, Nivrae, Tidi, eBooblog, RSF Blog


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