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Doomsday : Doom en HD

Visuel de promotion du jeu vidéo DoomFin du XXIe siècle. Sur Mars, l’armée mène depuis quelques années des expérimentations pour développer un procédé de téléportation entre la planète rouge et ses deux lunes. Mais les recherches tournent mal, et Deimos disparaît soudain des radars alors que des crises de folie frappent les soldats.

Affecté sur Mars peu de temps plus tôt pour avoir désobéi à un officier sadique, on vous réquisitionne soudain pour faire partie du personnel envoyé au secours de vos camarades sur Phobos. Alors que l’équipe infiltre le complexe, vous restez en arrière pour surveiller les environs mais très vite, les cris et les bruits de lutte acharnée, puis le silence radio complet vous font comprendre qu’il ne reste plus que vous.

Armé d’un simple pistolet, vous entrez à votre tour dans la base en ruines…

Screenshot tiré de Doomsday

Si les classiques ne meurent jamais, ils prennent néanmoins un coup de vieux. Et dans le secteur des jeux vidéo plus vite que dans n’importe quel autre, pour des raisons qu’il n’y a nul besoin de détailler. Les fans de la première heure de titres majeurs se trouvent donc contraints d’assister, tiraillés entre tristesse et nostalgie, au lent pourrissement de l’objet de leur admiration et ainsi de leur joie passée. Ou quelque chose comme ça. Un peu comme les groupies de stars du cinéma ou de la chanson voient leur idole se flétrir petit à petit au fil des ans, et en un spectacle d’autant plus insupportable qu’il leur rappelle qu’eux aussi sont mortels…

Screenshot tiré de Doomsday

Pourtant, tout comme les people ont leurs chirurgiens esthétiques, les jeux vidéo ont eux aussi leurs spécialistes des cures de jouvence : des passionnés, eux aussi, qui en savent assez en matière de programmation et de création artistique pour remettre au goût du jour des licences certes très anciennes mais néanmoins toujours populaires. Ainsi, Doomsday (en) permet-il de ramener d’entre les morts les diverses productions basées sur le Doom Engine, avec parmi elles non seulement Doom (Id Software ; 1992) et Doom II: Hell on Earth (1994) mais aussi les titres développés sous licence comme Heretic (Raven Software ; 1994) et Hexen (même studio ; 1995).

Screenshot tiré de Doomsday

Tout ce qu’il vous faut est une copie légale du jeu original afin d’en récupérer les fichiers .wad pour laisser Doomsday les réinterpréter à sa manière. Bien sûr, le résultat final ne tient pas que dans le rendu, de sorte que si vous voulez tirer tout son jus de cette réimplémentation, il vous faudra aussi installer les packs de textures haute résolution ainsi que ceux des modèles 3D pour les armes, monstres et objets divers : vous trouverez tout ça sur cette page (en). Le tout bénéficie d’une accélération matérielle OpenGL et d’une gestion du son en DirectSound3D pour un résultat final assez bluffant en terme de qualité mais surtout très fidèle à l’original.

Comparaison avec et sans Doomsday

Avant / après

Bien sûr, il ne faut pas vous attendre à un niveau de rendu comparable à celle des jeux commerciaux actuels mais si, comme beaucoup, vous êtes allergique au retrogaming, alors Doomsday constitue votre meilleure solution pour découvrir ou redécouvrir ce qui reste une œuvre fondatrice, soit un classique parmi les classiques…

Doomsday
Deng Team, 2000-2009
Windows, Mac OS & Linux, gratuit

Portal

Jaquette DVD du jeu vidéo PortalVous vous réveillez dans une salle blanche aux parois nues. Sur un petit meuble non loin, une radio joue une musique joyeuse. Puis une voix synthétique vous explique à travers des haut-parleurs que vous vous trouvez dans les locaux d’Aperture Science et que avez été choisi pour mener une batterie de tests tous articulés autour du même principe : parvenir à trouver la sortie d’une zone du laboratoire où vous vous trouvez à l’aide d’un appareil capable de générer des portails de téléportation.

Les premiers puzzles se montrent simples mais alors que vous progressez toujours plus loin dans le complexe, vous voyez les épreuves devenir aussi difficiles que… dangereuses. Et si la voix qui vous a accueilli à votre réveil vous a promis une récompense, certaines découvertes vous poussent vite à penser qu’il n’y a en fait aucune rétribution prévue pour vos efforts.

Mais au fait, à quoi peuvent bien servir ces tests ? Quelle est la logique derrière ces épreuves aussi tordues que dépourvues de sens ?

Pour autant qu’il y ait bien une logique derrière tout ça…

Screenshot du jeu vidéo PortalJ’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur ce que je pense des jeux qui combinent action et réflexion, mais sans préciser que – selon moi – mélanger deux extrêmes aussi radicalement opposés peut difficilement donner un résultat satisfaisant : les joueurs orientés action y trouveront les puzzles rébarbatifs et sujets à casser le rythme de la partie, et ceux qui aiment la réflexion se verront dépassés par les passages exigeant précision et agressivité. En fait, ces titres souffrent d’une certaine timidité à s’engager résolument dans une de ces deux directions – ils sont en quelque sorte bâtards, faute d’un meilleur terme.

Et puis il y a des productions comme Portal. À partir de ce qui définit les FPS, soit la vue subjective, cette production pour le moins atypique s’articule en fait toute entière autour de puzzles, d’épreuves de réflexion et autres casse-tête. Sous ses dehors de jeux de tirs à la première personne, Portal n’utilise pourtant que des mécaniques de jeu cérébrales où le rôle des réflexes et de la précision reste en fin de compte mineur. En d’autres termes, Portal choisit son camp et n’y déroge pas. Voilà pourquoi j’ai pris plaisir à y jouer : à aucun moment je n’ai eu à me demander s’il fallait réfléchir ou bien foncer dans le tas – cette seconde option n’étant de toutes manières pas disponible ici…

Icônes du jeu vidéo PortalDans Portal, il n’y a que trois choses : le générateur de portails, la chambre de test où vous vous trouvez, et la sortie ; vous devez utiliser le premier pour parcourir la seconde de manière à accéder à la dernière. Pour ce faire, cet appareil – difficile de l’appeler une arme, même si vous aurez l’occasion d’en user dans ce sens – permet de disposer à distance et sur les murs, sols et plafonds des espèces d’ouverture à travers l’espace, comme des trous de ver en quelque sorte. Bref, des portails. Pour atteindre un endroit hors de portée, placez un portail près de cette zone, un second à coté de vous et passez à travers ce dernier pour déboucher via le premier là où vous devez vous rendre. Simple, non ?

En fait, ça dépend des situations. Si les premières chambres de test se montrent très accessibles, les suivantes proposent bien sûr une difficulté croissante, et notamment par l’intermédiaire d’accessoires supplémentaires. Parmi ceux-là, on peut citer le cube – un prisme dont toutes les faces sont carrées, comme son nom l’indique – dont le poids vous permettra d’actionner des sortes d’interrupteurs disposés sur le sol ; mais on peut aussi évoquer des dispositifs tirant des boules d’énergie létales pour votre personnage et qui servent à mettre en route divers mécanismes indispensables pour résoudre certaines situations. Je vous laisse la surprise des derniers accessoires, surtout ceux qui vous tirent dessus…

Schéma d'illustration de la conservation de l'allure dans le jeu vidéo PortalD’autres facteurs se montrent utiles aussi, pour ne pas dire décisifs. Le plus important d’entre eux reste cette capacité qu’ont les portails de conserver votre vitesse quand vous passez au travers d’eux. Ceci vous permettra de rejoindre des zones des salles de test qui se trouvent hors de portée du générateur de portails : en plongeant dans un portail depuis une hauteur, soit en acquérant de la vitesse, vous ressortirez du second à la même allure, ce qui vous donnera la possibilité de franchir des obstacles – une mécanique de jeu qui s’avère d’ailleurs vite assez grisante, pour ne pas dire vertigineuse, au sens le plus strict du terme, et même si elle se montre parfois un peu répétitive en fin de partie.

Et à ce sujet, justement, une fois le jeu terminé, ce qui peut arriver assez vite, et les développeurs de Valve Software ayant bien compris que leur titre n’avait qu’une rejouabilité limitée, vous obtiendrez l’accès à des challenges – c’est-à-dire la possibilité de rejouer les différents tests déjà réussis à un niveau de difficulté supérieur. Pour parachever le tableau, vous pourrez aussi tenter de remporter ces challenges en battant votre record de temps ou de nombre de portails utilisés – entre autres paramètres. Et puis bien sûr, compte tenu de l’immense popularité de Portal, vous trouverez une quantité pas croyable de mods pour prolonger votre expérience de jeu une fois la partie officielle bien terminée…

Motivational poster pour le jeu vidéo PortalMais Portal reste aussi un des (très) rares jeux vidéo à présenter une réelle portée symbolique. Car ce récit où un personnage qui semble tout ignorer de son passé, y compris son propre nom, et qui se voit obligé de résoudre des problèmes aussi tordus qu’insensés dans un milieu tout à fait inhumain et sous les injonctions d’un interlocuteur dont la courtoisie dissimule à peine la froideur, un tel conte évoque bien sûr une métaphore de l’individu perdu dans un corps social devenu incompréhensible et qui se trouve chargé de remplir des tâches dont la véritable portée lui échappe – bref, une personne réduite à l’état de simple rouage. Sous bien des aspects, d’ailleurs, Portal rappelle beaucoup le film Cube (Vincenzo Natali ; 1997).

Voilà pourquoi Portal s’affirme au final comme une réussite indiscutable du jeu vidéo. Parce qu’à des mécaniques de jeu résolument novatrices, il ajoute un sens véritable à travers une représentation de certains des excès de son temps, au lieu de se contenter de proposer une « simple » expérience de jeu somme toute aussi volatile qu’une autre.

Pour cette raison, ne manquez surtout pas Portal : il continuera à vous habiter encore longtemps après que vous ayez triomphé de la dernière chambre de test…

Récompenses :

Game Developers Choice Awards : Jeu de l’Année, Récompense de l’Innovation et Meilleur Design de Jeu.
IGN Entertainment : Meilleur Puzzle game, Design le Plus Innovateur et Meilleure Chanson de Générique de Fin ; mais aussi les honneurs du jury dans les catégories « Meilleur Puzzle game » et « Design le Plus Innovateur ».
GameSpot : Meilleur Puzzle game, Meilleur Nouveau Personnage, Jeu le Plus Drôle, et Meilleure Mécanique de Jeu Originale.
1UP.com : Jeu de l’Année, Meilleur Narratif et Meilleure Innovation.
GamePro : Antagoniste le Plus Mémorable.
Joystiq, Good Game et Shacknews : Jeu de l’année.
X-Play : Jeu le Plus Original.
Magazine Officiel Xbox : Meilleur Nouveau Personnage, Meilleure Chanson et Innovation de l’Année.
GameSpy : Meilleur Puzzle game, Meilleur Personnage et Meilleur Acolyte.
A.V. Club : Meilleur Jeu de 2007.

Notes :

Si Portal fut porté sur Xbox 360, une version intitulée Portal: Still Alive et sortie sur Xbox Live Arcade en octobre 2008 propose des niveaux inédits inspirés de Portal: The Flash Version, un jeu par navigateur développé par l’équipe de We Create Stuff.

L’unique séquelle à ce jour de ce titre, Portal 2, sortit fin avril 2011.

Portal
Valve Software, 2007
Windows, Mac OS, Xbox 360 & Playstation 3, à partir de 15 €

– le site officiel de Portal
– le (faux) site officiel d’Aperture Science

Nexuiz

Logo du jeu vidéo GPL NexuizUn nouveau-venu dans le genre des jeux vidéo, et en particulier dans la branche de ce média précis connue sous le nom de FPS, trouvera qu’il n’est pas toujours facile de s’orienter au sein du vivier de productions qui caractérise le domaine : une de ses principales caractéristiques, en effet, est son immense créativité.

Hélas, elle s’accompagne d’un manque de plus en plus flagrant d’originalité. En d’autres termes, les jeux sont de plus en plus nombreux mais de moins en moins inventifs : ils se ressemblent toujours plus, parfois en « volant » purement et simplement leurs fonctionnalités à d’autres productions similaires. Il en résulte une impression de clonage assez troublante, qui donne la sensation de jouer toujours au même jeu, quels que soient leurs titres ou même leurs développeurs.

Dès lors, on comprend mal pourquoi on devrait payer pour obtenir quelque chose de nouveau qui, en fait, ne l’est pas du tout – ou si peu. La solution à ce problème peut prendre plusieurs aspects. Le premier, assez évident, appartient au domaine de l’illégal : on ne paye plus et on se contente de télécharger, le plus souvent en faisant une croix sur le jeu en ligne puisque les dispositifs anti-piratages interdisent aux copies illégales de rejoindre des parties qui, elles, sont tout ce qu’il y a de plus légales…

Screenshot du jeu vidéo Nexuiz

Le « remède » semble ici pire que le mal puisqu’un joueur digne de ce nom se contente rarement d’une partie solo. Voilà pourquoi se démocratisent toujours plus les titres développés sous licence libre, c’est-à-dire gratuits – donc l’équivalent, dans le domaine du jeu vidéo, du logiciel libre. Non seulement on les télécharge et on les installe sans débourser un centime mais on peut aussi y jouer en ligne, contre d’autres joueurs, comme en local, contre une intelligence artificielle, sans payer davantage.

Ainsi, Nexuiz offre-t-il de revenir aux sources du FPS multijoueur « classique » tel qu’il fut jadis défini par Quake (id Software ; 1996) : au contraire de la plupart des FPS de l’époque de sa sortie, et qui représentent encore la grande majorité des productions actuelles du genre, Nexuiz se caractérise par un mépris total de la notion de réalisme pour laisser le plus de place possible à l’action pure, notamment à travers des armes bien équilibrées et un rythme de jeu très rapide.

Screenshot du jeu vidéo Nexuiz

D’où le choix, somme toute bien judicieux, des développeurs de chez Alientrap d’utiliser le moteur graphique 3D Darkplaces, justement une amélioration du moteur de Quake qui transmet ainsi à Nexuiz ses physiques exceptionnelles, et en particulier celles liées aux mouvements des joueurs. Mais il permet aussi des éclairages et des ombres dynamiques, comme dans Doom 3 (id Software ; 2004), ainsi que des effets complexes tels que le flou lumineux, l’offset mapping ou le high dynamic range rendering.

Pour le reste, Nexuiz s’articule autour des modes de jeu classiques que sont le Match à Mort, en solo comme en équipe, ou la Capture du Drapeau mais aussi la Domination (des équipes se disputent des points de contrôle qu’elles doivent conserver le plus longtemps possible), l’Assaut (une équipe défend une base contre les attaques d’une seconde équipe qui doit la capturer) ou l’Onslaught (chaque équipe doit capturer des zones stratégiques qui permettent de remonter jusqu’à la base principale de l’adversaire).

Screenshot du jeu vidéo Nexuiz

Bien d’autres modes de jeu s’ajoutent à cette liste déjà assez conséquente et tous peuvent se voir combinés avec des « mutators » qui modifient les conditions de la partie. Ceux-ci donnent entre autre la possibilité de jouer en basse gravité, ce qui permet de réaliser des bonds prodigieux, ou bien avec un seul type d’arme, pour laisser les mêmes chances à tous les joueurs, ou encore de les autoriser à récupérer des points de vie en infligeant des dommages à leurs adversaires. Et j’en oublie des douzaines…

Sous bien des aspects, d’ailleurs, Nexuiz rappelle beaucoup Unreal Tournament (Digital Extremes & Epic Games ; 1999) qui reste encore à ce jour un des titres les plus inventifs dans le domaine des FPS orientés multijoueur, mais aussi un des plus lucratifs. D’où, peut-être, l’intérêt du studio Illfonic pour Nexuiz qui en racheta les droits d’exploitation du nom à Alientrap en 2010 en vue d’une future exploitation commerciale sur consoles de salon dont le développement sur le CryEngine 3 est actuellement en cours.

Screenshot du jeu vidéo Nexuiz

Une nouvelle qui surprit bien des gens, surtout parmi les joueurs de la première heure mais encore plus chez ceux qui n’avaient pas épargné leur peine en contribuant à développer Nexuiz, notamment à travers la création de modèles de personnages ou de niveaux du jeu – entre autres. Voilà pourquoi la version libre de Nexuiz s’appelle dorénavant Xonotic, même si aucune version jouable n’en est disponible pour le moment…

La dernière version libre de Nexuiz, par contre, la 2.5.2, reste non seulement disponible au téléchargement en toute légalité mais elle est aussi tout à fait jouable, et par dessus le marché ses serveurs se trouvent remplis à ras bord de joueurs souvent de très bon niveau.

Et au cas où vous auriez encore des doutes sur la qualité du produit, vous pouvez toujours jeter un coup d’œil à cette vidéo de présentation officielle :

Nexuiz
Alientrap, 2005-2010
Linux, Mac OS & Windows, gratuit

– le site officiel de Nexuiz (en)
– le site français de Nexuiz
– le site officiel de Xonotic (en)

Doom 3

Jaquette CD du jeu vidéo Doom 3Au milieu du XXIIe siècle, l’UAC est la plus puissante corporation du monde. Dans son laboratoire installé sur Mars, elle mène des recherches de pointe dans de nombreux domaines, dont la téléportation. L’isolation de ce centre permet à l’UAC de passer outre les limites tant légales que morales et, sitôt arrivé sur la planète rouge, vous entendez dire que de nombreux employés souffrent d’hallucinations, auditives comme visuelles, ainsi que de paranoïa et d’autres désordres menant souvent à des accidents…

Vous ? Un caporal des marines spatiaux fraîchement débarqué de la Terre. À peine arrivé, votre supérieur vous charge de retrouver un chercheur disparu dans une zone isolée du centre : vous lui mettez le grappin dessus alors qu’il finalise une expérience, et alors… Alors c’est la réalité toute entière qui se déchire sous vos yeux, et des horreurs sans nom qui se glissent à travers ces lambeaux pour prendre possession du personnel du laboratoire.

L’Enfer n’est pas sur Terre mais sur Mars, et vous êtes en plein dedans…

Comment parler de FPS sans évoquer Doom ?

Screenshot du jeu vidéo Doom 3Véritable révolution du secteur du jeu vidéo, car titre fondateur d’un genre entièrement nouveau du domaine vidéo-ludique, Doom devint une légende qui dépassa vite les limites de son terrain désigné pour toucher un public d’ordinaire assez peu enclin aux divertissements électroniques. Je compte parmi ceux-là, je le reconnais volontiers : avant Doom, et précisément Doom II: Hell on Earth, les jeux vidéo n’évoquaient chez moi pratiquement aucun intérêt. À l’époque, leurs technologies rudimentaires et leurs visuels médiocres ne permettaient pas de développer des mécaniques de jeu que je parvenais à saisir, de sorte que je ne possédais ni console ni ordinateur ; quant aux salles d’arcade, hormis pour les plaisir ponctuels de vacances d’été je n’y voyais qu’un gouffre où jeter l’argent de poche.

Screenshot du jeu vidéo Doom 3Mais avec Doom, l’environnement de jeu tout en 3D devenait enfin compréhensible puisque celui-ci était représenté de la manière la plus simple et la plus intuitive : on voyait à travers les yeux du personnage qu’on contrôlait. À partir de là, il n’était plus nécessaire de devoir s’habituer à une représentation de l’environnement de jeu dont le degré de pertinence et de logique restait somme toute assez discutable ; il suffisait de faire comme dans la réalité, à peu de choses près – il en résultait ainsi une immersion considérable, et donc un plaisir de jeu décuplé. Par-dessus le marché, avec son univers de science-fiction sombre et ultra-violent, mâtiné de fantastique et d’horreur, où l’influence de Lovecraft se mariait au gore, Doom rassemblait de nombreux éléments auxquels je ne restais pas indifférent.

Bref, j’étais conquis. Et c’est bien Doom qui fit de moi un gamer

Screenshot du jeu vidéo Doom 3Alors, quand une suite à ce qui reste une des plus grosses gifles de votre vie pointe le bout de son nez plus de dix ans après, forcément, des sentiments contradictoires vous envahissent – quelque part entre la joie de retrouver un ancien amour, et la peur de voir celui-ci bien trop vieilli. Car on connaît bien le syndrome des séquelles : elles se montrent rarement à la hauteur des originaux… Et à cette époque, le problème des jeux vidéo commençaient à se montrer assez clairs : tout dans les visuels à travers des technologies toujours plus gourmandes, et rien dans les mécaniques de jeu… Bref, il y avait de quoi se demander si les gens d’id Software avaient vraiment eu une bonne idée en se lançant là-dedans, ou bien s’il n’y avait pas là-dessous quelque sombre arrangement financier ou quoi que ce soit d’autre d’aussi douteux.

Screenshot du jeu vidéo Doom 3En fait, il y avait surtout un nouveau moteur de jeu vidéo, le Doom 3 Engine, aussi appelé id Tech 4, qui, comme la plupart des conceptions de John Carmack, s’avérait capable de véritables prodiges. Comme les éclairages dynamiques par exemple, ou autrement dit en temps réel. À l’époque, la gestion des lumières dans les jeux vidéo 3D passait par des lightmaps, des sortes de textures d’opacité qui fonçaient les surfaces de l’environnement de jeu selon la quantité de lumière que recevaient ces surfaces – reproduisant ainsi les effets d’ombre indispensables à la simulation des volumes et des reliefs, et à leur reconnaissance comme tels par l’œil humain. Les ombres étaient donc fixes. Mais avec Doom 3, nul besoin de tels artifices : les sources de lumière éclairaient en temps réel, permettant ainsi des variations dans les tons comme dans les placements des ombres.

Screenshot du jeu vidéo Doom 3Ce qui laissait, entre autres, la possibilité de rendre tout à fait saisissante l’apparition d’un démon flamboyant dans une zone sombre, voire complétement noire, du niveau. Ou bien, et le plus simplement du monde, le moyen de placer sur les sols et sur les murs les ombres portées des divers personnages et objets en mouvements au fur et à mesure qu’ils s’animent à l’écran – un aspect au premier abord trivial mais qui dans le domaine des jeux vidéo conférait à Doom 3 un réalisme pictural alors jamais vu, ou si peu… Ainsi, les diverses horreurs dimensionnelles et autres monstres infernaux qui vous agressent dans les couloirs et salles sombres du centre de recherche de l’UAC acquièrent-ils une proximité proprement sidérante, pour ne pas dire palpable : c’est là que Doom 3 trouve toute sa force, son poids, sa réalité.

Screenshot du jeu vidéo Doom 3Car Doom 3 est avant tout une œuvre d’ambiance, de ton, bien plus que d’action pure ou d’épouvante gratuite. Ainsi, l’immersion devient-elle l’enjeu majeur de ce titre, ce dont il tire sa substance première et qui le place à part des autres productions dans le genre de l’horreur sur le média des jeux vidéo. Sans immersion, le joueur perd la quasi-totalité de l’intérêt de ce jeu ; pour cette raison, il s’avère bienvenu pour une fois d’ignorer les recommandations d’usage et de jouer à Doom 3 dans une pièce bien sombre, voire sans aucune lumière, et avec le son monté à fond : ce titre mérite un tel écart. En témoignent les nombreuses cinématiques, dignes des meilleurs films, qui parsèment la partie et qui jouent un rôle considérable dans le plongeon du joueur au tréfonds de cet univers de damnation et de folie suppurante.

Screenshot du jeu vidéo Doom 3Mais l’innovation technologique, ici, ne concerne pas qu’une gestion améliorée de la lumière, la complexité des matériaux se trouve aussi considérablement approfondie. En particulier par l’utilisation intensive du bump mapping, ou placage de relief, qui permet de simuler des effets de relief sur des surfaces en réalité tout à fait plates, à travers des effets d’éclairage assez simples mais très gourmands en ressources de calcul. De telles solutions se virent privilégiées car, en fin de compte, elles exigeaient moins de puissance que des polygones supplémentaires pour détailler les maillages des modèles 3D – en plus de simplifier le travail de production puisque la création de textures prend moins de temps que la modélisation. À ceci s’ajoutèrent d’autres types d’effets de matière comme le normal mapping ou les effets spéculaires…

Malgré tout, on ne peut résumer Doom 3 à une simple performance technologique, même si ces innovations techniques – à présent devenus prépondérantes dans les jeux vidéo en 3D – restent indispensables pour retranscrire à son juste potentiel l’atmosphère pour le moins unique de ce titre ; car Doom 3 est aussi un FPS tout ce qu’il y a de plus classique, même s’il est moins orienté arcade et vitesse que les productions emblématiques du genre, et s’il y rajoute une contrainte inédite en empêchant parfois le joueur de garder son arme en main : ainsi, il reste une production tout à fait satisfaisante sur le plan de la jouabilité pure.

C’est dans les vieilles marmites qu’on fait les meilleures soupes après tout.

Notes :

Doom 3 connut assez de succès pour que quelques mois à peine après sa sortie soit publiée une extension intitulée Doom3: Resurrection of Evil (2005) et développée par Nerve Software. Cet add-on, comme il se doit, apporta son lot de nouveautés : il introduisit trois nouvelles armes et plusieurs types d’ennemis supplémentaires mais surtout améliora le mode multijoueur, notamment en augmentant le nombre limite de joueurs à huit et en permettant de jouer en Capture du Drapeau. Si cette extension ne reçut pas un accueil aussi favorable que Doom 3, elle connut néanmoins un certain succès elle aussi.

En replaçant la franchise Doom sur le devant de la scène du jeu vidéo, Doom 3 relança l’intérêt des producteurs de cinéma pour une adaptation de la série. Doom, le film réalisé par Andrzej Bartkowiak, sortit en 2005 et s’avéra un échec retentissant, probablement parce que cette réalisation s’articulait autour d’un scénario sans aucun réel rapport avec celui du jeu original.

Doom 3
id Software, 2004
Windows, Mac OS, Linux & Xbox, env. 21 €

Unreal II: eXpanded MultiPlayer

Écran d'accueil du jeu vidéo Unreal II eXpanded MultiPlayerL’univers est vaste, mais la rapacité des grandes compagnies l’est encore plus : prêtes à tout pour s’accaparer les richesses des étoiles, elles lancent des équipes d’exploitation sur les mondes nouvellement explorés pour en ramasser le plus de ressources possible, quitte à les prendre aux adversaires par les lasers et par le plomb.

À l’Âge des Étoiles, les passions humaines restent les mêmes…

Pourquoi tourner autour du pot ? Unreal II: eXpanded MultiPlayer – alias XMP pour les intimes – reste à ce jour le meilleur titre multijoueur auquel j’ai pu jouer, toutes plateformes et styles de jeu confondus.

Screenshot du jeu vidéo Unreal II: eXpanded MultiPlayerEt pourtant, ce pari-là faillit bien ne pas être gagné, pour la simple et bonne raison qu’XMP passa bien près de ne jamais exister. Pour des raisons que j’ai eu l’occasion de détailler dans ma chronique d’Unreal II: The Awakening, cette extension à ce titre précis n’existe dans l’état qu’on lui connaît que grâce à un concours de circonstances bien particulier ; le résultat final n’a rien à voir – ou si peu – avec ce qu’il devait proposer comme mécaniques de jeu, et surtout comme univers, dans son concept de départ : le lecteur curieux quant aux détails de ce projet initial se penchera avec bonheur sur cet article des Liandri Archives chez BeyondUnreal.

Classe de personnage du jeu vidéo Unreal II: eXpanded MultiPlayerEn fait, XMP évoque bien plus un mod offert par Legend Entertainment – les développeurs d’Unreal II – qu’un jeu commercial à proprement parler. D’abord parce qu’il est « gratuit » – du moins tant qu’on considère comme gratuit un titre qui ne requiert pour s’installer que le disque de jeu du titre dont il est une extension – et ne nécessite ni enregistrement ni abonnement pour le télécharger. Enfin parce que les gens de Legend Entertainment développèrent ce titre dans leur temps libre, comme si ce projet leur tenait tant à cœur qu’ils décidèrent de ne pas compter leurs heures afin de le compléter à partir des bribes du projet originel déjà évoqué plus haut.

Screenshot du jeu vidéo Unreal II: eXpanded MultiPlayerToute la différence avec un mod réside dans le fait qu’il s’agit d’une production de professionnels, avec tout ce que ça implique en terme de qualité de conception tant sur les level designs que sur les différents models et textures mais aussi sur les mécaniques de jeu ; et sur ce dernier point, XMP propose quelques particularités notables. Par exemple, il s’agit d’un jeu d’équipes basé sur des classes de personnages, chacune d’entre elle proposant son lot de spécificités tel que les types d’armure et d’armes comme les capacités de déplacements et d’interaction avec l’environnement ; et, comme il se doit dans un jeu basé sur des classes, chacune d’elle vaut les autres en un parfait équilibre d’équipements et de talents : en d’autres termes, elles se complètent.

Screenshot du jeu vidéo Unreal II: eXpanded MultiPlayerUne autre particularité consiste à donner la possibilité d’utiliser des véhicules, ce qui à l’époque restait assez peu banal. Le premier d’entre eux, une sorte de jeep capable de courtes mais intenses périodes d’accélérations, comprend un pilote et un tireur. Le second, un transporteur de troupe plus résistant mais aussi plus lent, nécessite lui aussi un pilote mais peut accueillir deux artilleurs – chacun d’eux manipulant un type d’arme différent. Le troisième et dernier, un tank, se passe de commentaires. Par-dessus le marché, leurs capacités tout-terrain – proprement ahurissantes – en rendent le pilotage très simple. Mais ne croyez pas qu’un simple fantassin reste dénué de recours face à un de ces engins, car une bonne dose de sens tactique suffit souvent à renverser le déséquilibre des forces…

Classe de personnage du jeu vidéo Unreal II: eXpanded MultiPlayerUne troisième particularité concerne ce qu’on appelle des « déployables » : des équipements autonomes servant d’appui, le plus souvent en défense mais un brin de jugeote suffit à en faire des éléments offensifs. Les tourelles de tir par exemple ; elles sont de deux sortes, qui se passent d’explications détaillées : mitrailleuses ou lance-roquettes, avec munitions illimitées. Leurs seules faiblesses : un temps de réaction un peu long et un bruit de mise en route qui alerte la cible si celle-ci se trouve peu éloignée. Le dernier type de déployable est une barrière laser que seuls peuvent traverser les membres de l’équipe qui les a disposées ; les autres doivent sauter par-dessus – ce qui les ralentit et les expose – ou bien les détruire – ce qui leur prend du temps et des munitions.

Screenshot du jeu vidéo Unreal II: eXpanded MultiPlayerMais comme il s’agit d’un jeu très orienté tactique de groupe, il faut aussi gérer diverses ressources. Parmi celles-ci, les générateurs d’énergie restent les plus importantes : sans elles, aucun de vos véhicules ou déployables ne peuvent fonctionner ; vous devez donc les mettre en route au début du match, et éviter par la suite que l’adversaire ne vous les prenne car une équipe sans plus d’énergie à disposition se trouve en très fâcheuse posture. De la même manière que vous vous accaparez des générateurs, vous pouvez aussi utiliser des tourelles de défense de gros calibre, et donc fixes, situées pour la plupart à proximité de chacune des deux bases présentes sur la carte.

Screenshot du jeu vidéo Unreal II: eXpanded MultiPlayerL’une de celles-ci constitue le quartier général de votre équipe, et celle d’en face celui de l’adversaire : là se trouve vos « trésors » et de l’autre côté ceux de l’ennemi, sous la forme d’une paire d’artefacts extraterrestres et lumineux. La première équipe à ramener chez elle les deux artefacts de l’équipe opposée gagne la partie – mais à condition qu’aucun de ses propres artefacts ne se trouve aux mains de l’ennemi. Pour vous infiltrer chez celui-ci, au passage, il vous faudra peut-être hacker des serrures afin d’ouvrir des accès, à la fois pour vous et pour vos coéquipiers, ce qui ne représente jamais qu’un autre élément tactique supplémentaire.

Classe de personnage du jeu vidéo Unreal II: eXpanded MultiPlayerQuant au dernier de ces éléments tactiques, il prend une forme assez inattendue. Car dans XMP les scaphandres blindés et mécanisés permettent certes de transporter un équipement lourd et encombrant mais il limite aussi les mouvements en raison de son propre poids – ce qui s’avère assez logique… Il résulte de ce qui semble au premier abord un simple détail qu’en dépit de la possibilité d’utiliser un jetpack pour réaliser des bonds prodigieux, le rythme d’XMP est assez lent : en d’autres termes, les talents d’un joueur en particulier ne suffisent pas à renverser le cours d’une partie à lui tout seul – il reste quoi qu’il en soit obligé de travailler de concert avec son équipe.

Screenshot du jeu vidéo Unreal II: eXpanded MultiPlayerXMP est donc un jeu exceptionnellement complet, et aussi – en tous cas par rapport à l’univers auquel il se rattache – d’un réalisme assez étonnant. Hélas, l’éditeur Atari ferma le studio Legend Entertainment peu de temps après la publication d’XMP et stoppa dans le même temps tout support technique comme artistique pour ce titre, ce qui fut le début de sa lente agonie (1). Si des solutions alternatives permirent de lancer et de rejoindre des parties hébergées par des tiers, les maps créées par des amateurs qui peuplèrent bientôt ses serveurs ad nauseam se caractérisaient par des lacunes tant techniques qu’artistiques qui rendirent vite le jeu assez repoussant…

Ainsi mourut donc XMP. Il laisse néanmoins derrière lui le souvenir d’un titre admirable sous bien des aspects et au final d’un jeu bien plus abouti et agréable à jouer que le sont la plupart des productions actuelles dont les parties se résument le plus souvent à un joyeux bordel plutôt qu’à un affrontement réellement tactique où le jeu d’équipe reste le plus sûr moyen d’arracher la victoire à l’adversaire.

(1) j’indique dans ma chronique sur Unreal II déjà évoquée plus haut ce qui me semble les raisons derrière cette décision pour le moins surprenante compte tenu du succès d’XMP…

Note :

L’équipe de Free Monkey Interactive reprit le flambeau de Legend Entertainment, avec l’accord des développeurs du studio défunt, et entreprit de porter XMP sur Unreal Tournament 2004 sous la forme d’un mod appelé UTXMP ; le résultat s’avéra hélas assez peu convaincant pour les joueurs de la première heure en général.

Unreal II eXpanded MultiPlayer
Legend Entertainment, 2003
Windows & Mac OS, téléchargement gratuit

– la page sur XMP des Liandri Archives (en)
– le site officiel de la franchise Unreal
– des sites d’informations : BeyondUnreal (en), Unreal.fr

Tron 2.0

Jaquette CD de l'édition internationale du jeu vidéo Tron 2.0Programmeur de grand talent, le jeune Jet Bradley rêve de créer des jeux vidéo. Mais les portes de cette industrie lui restent fermées aussi doit-il accepter de rejoindre l’entreprise où travaille son père. Et à contre-cœur car en raison d’un passé commun douloureux, leurs relations restent houleuses, voire parfois même tendues… Pourtant, quand lors d’une conversation téléphonique entre eux le père de Jet semble avoir des ennuis, son fils se précipite pour lui venir en aide ; mais à son arrivée, le labo est vide et son père disparu…

Alors, un dispositif se déploie au-dessus de Jet et un laser le désintègre segment par segment. Quand il revient à lui, il ne reconnaît plus rien de ce qui l’entoure bien qu’il s’agisse de choses qu’il connaît très bien de par sa fonction même de programmeur. Car ces choses sont des programmes et des logiciels, et l’environnement où il se trouve le système d’exploitation d’un ordinateur… Pris au piège dans ce monde virtuel, Jet va devoir venir en aide à celui qui l’a envoyé ici avant de pouvoir rejoindre la réalité.

Mais cette aventure qui l’attend au tréfonds de la machine n’est-elle pas le plus grand défi auquel un programmeur puisse faire face ?

Screenshot du jeu vidéo Tron 2.0Comme son titre l’indique de façon plus ou moins claire, Tron 2.0 est en fait la séquelle directe du film culte Tron (Steven Lisberger ; 1982) produit par les studios Walt Disney Pictures qui signaient là ce qui reste certainement à ce jour encore leur œuvre la plus visionnaire. Situé 20 ans après les événements du film, cette suite nous offre un nouveau voyage au sein de la première véritable Matrix du cinéma mais à travers un point de vue plus mûr et surtout plus en phase avec un grand public mieux accoutumé à l’informatique depuis la démocratisation d’internet. Pour cette raison, ce titre se permet certains éléments narratifs qui ne pouvaient être envisagés à l’époque du film auquel il fait suite ; et certains de ces éléments narratifs impactent sa jouabilité…

Screenshot du jeu vidéo Tron 2.0Il ne s’agit pas pour autant d’impacts révolutionnaires, ni en terme de scénario ni en terme de game design ; sous bien des aspects, d’ailleurs, Tron 2.0 se contente le plus souvent de transposer dans l’imagerie du film original – volumes aux couleurs en aplats et aux arêtes tranchantes de manière franche sur le décor – des mécaniques de jeu somme toute assez classiques du genre FPS : en d’autres termes, les développeurs et les artistes de chez Monolith Productions se sont contentés de changer l’habillage – par exemple, au lieu d’utiliser des clés pour ouvrir des portes, on se sert de permissions pour accéder à des données, et au lieu de ramasser des munitions, on se recharge en énergie ; mais on trouve aussi quelques autres subtilités qui apportent une certaine fraîcheur.

Screenshot du jeu vidéo Tron 2.0Par exemple, Jet se trouvant réduit à l’état de programme dans un système d’exploitation, il doit reconfigurer ses systèmes suivant le type de système d’exploitation dans lequel il évolue : en simplifiant très grossièrement, c’est un peu comme un fichier conçu pour Windows et qui doit être converti pour pouvoir être utilisable sous Mac OS… Ainsi, Jet voit ses options se réduire ou bien s’accroitre selon l’environnement informatique où le mène son odyssée, de sorte que les routines et autres sous-programmes qui lui servent d’armes et d’équipement ne pourront pas tous être utilisés dans chacun des divers chapitres du jeu : le joueur devra choisir parmi ces options celles avec lesquelles ils se sent le plus à l’aise selon les objectifs à accomplir, ce qui constitue une forme de personnalisation, soit un aspect en quelque sorte « jeu de rôle » tout aussi inattendu que bien pensé.

Screenshot du jeu vidéo Tron 2.0Dans un registre semblable, les capacités de Jet évoluent avec les versions de son programme : accomplir certaines actions mais aussi ramasser certains types d’objets lui permet d’accumuler des sortes de points qui, quand ils le font passer à une version supérieure de son programme, se concrétisent par des modifications de ses paramètres de base ; on trouve parmi ceux-là sa santé, son énergie, la puissance de ses armes, sa vitesse de téléchargement des routines, e-mails et permissions trouvés au cours du jeu, ou encore sa puissance de calcul pour traiter les diverses données comme la conversion de routines inconnues, la défragmentation de ses systèmes ou encore la désinfection de ses routines corrompues par des virus.

Screenshot du jeu vidéo Tron 2.0Les routines téléchargées évoluent elles aussi d’ailleurs, bien qu’en utilisant un système de mise à jour assez différent : soit on en trouve des versions plus élaborées au cours du jeu, soit on trouve un type d’objet qui permet de choisir quelle routine on fera évoluer vers sa version supérieure. Chaque version supérieure, au nombre de deux évolutions possibles par routine, augmente l’efficacité de la routine. Parmi ces routines, on trouve des systèmes de protection tels qu’antivirus ou armures ; mais aussi des équipements permettant d’identifier les ennemis et leurs compétences, ou bien de se déplacer en silence, ou encore de faire des zooms à volonté, entre autres fonctions ; et puis bien sûr, on trouve aussi des armes…

Screenshot du jeu vidéo Tron 2.0Encore une fois, il ne s’agit la plupart du temps que de transpositions dans l’univers de ce titre de mécaniques de jeu déjà vues dans d’autres productions, mais qui participent néanmoins de façon considérable à l’immersion du joueur dans l’aventure puisque tout ici correspond à des technologies informatiques. Il en résulte une impression étrange, tout à fait comparable à celle qui accompagne la découverte du film original (1) et bien assez semblable à ces incursions dans le cyberespace qu’on trouve dans de nombreux romans de science-fiction se réclamant de la mouvance cyberpunk. Bref, quelque chose de non seulement unique mais aussi un pur rêve de ce qu’on appelle communément un geek.

Screenshot du jeu vidéo Tron 2.0Sur le plan du scénario, Tron 2.0 se pose aussi dans la droite lignée du film de départ : avec l’infection du réseau d’une entreprise de recherche en nouvelles technologies par un virus à l’extrême agressivité, ce récit commençant par de l’espionnage industriel classique qui vire assez vite à l’OPA hostile pour la possession d’une technologie capable de révolutionner le monde s’affirme comme une assez bonne illustration des luttes de corporations dans le but de s’accaparer la meilleure position sur un marché porteur – ce qui là aussi correspond assez bien au genre cyberpunk… Mais c’est aussi le récit plutôt inattendu sur un tel média d’un père et d’un fils qui devront apprendre à oublier le passé pour mieux se retrouver.

Screenshot du jeu vidéo Tron 2.0Ainsi, l’aventure de Jet le mènera-t-il de disques dur en mémoires vives, à travers l’environnement flamboyant d’un firewall comme le système d’exploitation minimal d’un PDA, dans des combats contre des virus tout en fuyant un formatage qui efface chaque bit sur son passage : dans ces océans de données et le long des torrents assourdissants des transferts de fichiers, au cours de compétitions de motos virtuelles lancées à plein tube sur la « grille » et en reconfigurant d’anciens systèmes obsolètes pour en extirper des informations oubliées, il assemblera peu à peu les données de l’« Héritage de Tron » (2) pour tenter de contrecarrer ce plan machiavélique…

Le tout servi à merveille par un moteur Lithtech alors au sommet de sa forme et dont les capacités de rendu dans cette charte graphique si particulière qu’est celle de Tron s’avèrent pour le moins époustouflantes ; Monolith a d’ailleurs ajouté diverses technologies tierces à la sienne afin de mieux servir ce projet déjà bien assez unique pour commencer. En tous cas, les machines actuelles permettent largement d’en tirer toute la substantifique moelle pour un effet d’immersion maximal dans un univers pour le moins… étonnant.

Pour ses qualités de jeu comme pour ses qualités scénaristiques et technologiques, Tron 2.0 s’affirmait à l’époque de sa sortie comme un très excellent titre dont l’intérêt n’a pas du tout faibli et qui reste encore à ce jour un jeu à ne manquer sous aucun prétexte : les fans de Tron tout comme les joueurs avertis y trouveront largement leur bonheur.

(1) qui était visionnaire mais pas révolutionnaire : pour remplir cette seconde condition il aurait d’abord fallu qu’il existe avant ce film au moins une autre production cinématographique sur le même thème et par rapport à laquelle Tron se serait affirmé comme une redéfinition complète du concept.

(2) ou encore « Tron Legacy » en anglais : j’ignore à ce stade s’il y a un rapport quelconque avec le film éponyme dont il est beaucoup question sur la toile depuis un certain temps…

Notes :

S’il existe une version Xbox de Tron 2.0 appelée Tron 2.0: Killer App, son adaptation sur Game Boy Advance sous le même titre s’avère très différente : au lieu d’un FPS, c’est un jeu mêlant action, tirs, plateformes et réflexion en un tout apprécié pour sa variété mais critiqué pour ses lacunes techniques en regard de la plateforme pour laquelle il a été développé.

La logique de la séquelle se trouvant ici à l’œuvre, ce titre propose donc de multiples clins d’œil et références au film original : le connaisseur pourra ainsi se livrer au fascinant jeu des clés tout le long de sa partie.

Tron 2.0
Monolith, 2003
Windows & Mac OS, env. 8 € (occasions seulement)

Star Trek: Elite Force II

Jaquette du jeu vidéo Star Trek Elite Force IIToujours dans le Quadrant Delta, l’USS Voyager est capturé par les borgs et son équipage préparé pour l’assimilation. Mais l’équipe d’intervention parvient à libérer le navire qui, grâce à la technologie borg, peut rejoindre les territoires de la Fédération. Là, Starfleet dissout cette troupe d’élite pour affecter ses membres à divers postes. Trois ans plus tard, l’amiral Picard, impressionné par les performances de Munro lors d’un entraînement, fait reconstituer l’équipe d’intervention afin de l’incorporer à l’Enterprise E.

On prend les mêmes et on recommence ?

Non, ou du moins pas tout à fait : la logique de la séquelle se trouvant ici à l’œuvre, il paraît normal que ce second opus propose davantage que le titre précédent, et c’est bien ce qu’il fait ; le problème étant qu’il pousse peut-être ce bouchon-là un peu trop loin…

Alors que les développeurs de Raven Software avaient créé une adaptation respectueuse de l’univers Star Trek et équilibrée en terme d’action et de réflexion, les gens de Ritual Entertainment semblent avoir voulu rajouter leur touche personnelle à un édifice reconnu et apprécié pour sa solidité générale que l’intervention d’un studio tierce pouvait difficilement consolider davantage. Il arriva donc ce que chacun craignait : cette suite se montre hélas sensiblement plus faible que le titre précédent…

Elle reste cependant très loin d’un mauvais jeu, ou même d’un simple jeu moyen, allant jusqu’à mériter de se voir qualifiée de « très bon » jeu – mais simplement pas autant que le premier. La faute en revient pour l’essentiel à l’ajout de fonctionnalités qui permettent de solliciter davantage l’intelligence du joueur que ses réflexes, rien de répréhensible jusque-là, mais au détriment du rythme de jeu, ce qui s’avère déjà plus dommageable : sans atteindre les sommets du genre qu’on trouve dans un Half-Life (Valve Software, 1998) par exemple, Star Trek: Elite Force II se montre donc assez vite ennuyeux par la quantité de puzzles qu’il exige de résoudre… À ceci s’ajoute un level design aux nettes tendances névrotiques et dans lequel on pourra se perdre plutôt facilement.

Quant au scénario, il ne parvient pas vraiment à se hisser au niveau des standards de la franchise Star Trek ; en fait, il donne souvent l’assez nette impression d’avoir été écrit pour l’adaptation d’une autre série TV de science-fiction, et pas la plus intéressante en terme d’univers… On y trouve néanmoins une intrigue travaillée, qui à travers divers tours et détours offre ce qu’il faut de révélations et de retournements de situation pour conserver l’attention du joueur, ainsi que quelques questionnements qui ne manquent pas d’intérêt.

Mais c’est encore sur le plan technique qu’Elite Force II se montre le plus convaincant. Le moteur de Quake III Arena (id Software, 1999), alors en toute fin de vie, est ici poussé dans ses derniers retranchements, et une fois conjugué à la palette d’outils développés par Ritual Entertainment, fait preuve d’une puissance et d’une versatilité pour le moins étonnantes et tout à fait comparables aux standards de l’époque.

En dépit de quelques défauts somme toute plutôt mineurs, mais néanmoins bien présents, Star Trek: Elite Force II parvient à procurer une expérience de jeu satisfaisante même si assez peu marquante. Les fans du volet précédent ne voudront pas le manquer, les autres pourront vivre sans…

Star Trek: Elite Force II
Ritual Entertainment, 2003
Windows & Mac OS, entre 5 et 10 € (occasions seulement)

Call of Duty

Jaquette française du jeu vidéo Call of Duty1944. Le monde est à feu et à sang. Alors que les États-Unis envoient leurs meilleurs éléments en Normandie, l’Angleterre mène des opérations de sabotage, et la Russie enrôle de force les civils pour repousser les allemands hors de ses frontières. Partout il n’y a plus que désolation, râles de mourants et charniers puants… C’est la seconde grande guerre : celle qui marquera le monde à jamais. Ce qui ne vous concerne pas encore : dans la campagne, la neige et les ruines, votre seul but est de survivre.

Le plus drôle dans Call of Duty c’est la manière dont les développeurs de chez Infinity Ward ont pris leur rôle au sérieux pour faire croire aux joueurs qu’ils tentaient de dénoncer quoi que ce soit. Comme s’il s’agissait du rôle d’un jeu – quel qu’il soit, vidéo ou non – de dénoncer. Ou plutôt comme si l’Histoire ne pouvait pas s’en charger alors que c’est bien là son but pour autant que je sache – entre autres qualités de cette matière. Faut-il y voir une autre preuve de cette modestie si caractéristique des développeurs de jeux vidéo qu’ils estiment pouvoir remplacer un champ d’étude qui les précède pourtant depuis toujours ? Ça ne m’étonnerait pas…

Sont témoins de cette vaste farce les innombrables citations de généraux et autres chefs de guerre, la plupart morts depuis si longtemps qu’on en avait oublié qu’ils avaient pu exister, qui parsèment les écrans de chargement du titre entre deux niveaux – comme si le joueur se souciait de réfléchir sur quoi que ce soit pendant ces moments-là – et qui donnent l’assez nette impression, par leur fond d’idées communes, de vouloir nous apprendre que la guerre est une horreur infinie – comme si on ne le savait pas déjà : il suffit d’allumer la télé pour s’en rendre compte en regardant à peu près n’importe quel journal d’information…

Le bouquet final apparaît dans le générique de fin du titre, quand les gens d’Infinity Ward se permettent de « remercier » les soldats qui ont combattu l’horreur de l’Axe. Les relents nationalistes, ou assimilés, qui exsudent de cette dédicace me font penser que si les États-Unis basculaient aujourd’hui dans le fascisme, ces développeurs – pourtant des artistes, soient des gens qui se caractérisent en général par un tempérament doux et pacifique – seraient les premiers à défiler dans la rue habillés tout en noir : après tout, ce sont bien des allemands aux tournures de pensée semblables qui ont fait Hitler chancelier.

Car en dépit de la fidélité de sa reconstitution, Infinity Ward a « un peu » oublié les nombreux civils qui prirent part à ces combats. Je parle bien sûr de ceux appartenant à la Résistance française, qui jouèrent un rôle tout autant décisif que celui des américains, des anglais et des russes, mais qu’on ne voit point dans ce jeu… Je subodore, vu le niveau de limitation intellectuelle supposée des développeurs, que le discours alors encore assez récent de M. de Villepin à l’ONU lors des débats concernant l’invasion de l’Irak a peut-être joué un rôle dans la décision d’occulter les actions de la France libre et de ses colonies dans cette guerre…

À moins que les éditeurs aient vu là une occasion de redorer le blason de l’industrie du jeu vidéo en doublant l’objet de divertissement de vertus pédagogiques, c’est-à-dire en joignant l’utile à l’agréable ? Dans ce cas, il aurait été bienvenu de permettre au joueur d’incarner un soldat allemand ou italien, histoire de rappeler à tous que ces camps-là eux aussi vécurent l’horreur. Sans oublier que, le plus simplement du monde, il n’y a rien de tout à fait noir ni de tout à fait blanc dans une guerre – ou bien, encore plus simplement, qu’il n’y a ni perdants ni gagnants mais juste des survivants…

Mais je gage qu’aucune de ces questions ne leur ait venu à l’esprit, pas plus qu’elles n’ont effleuré les joueurs. Après tout, il est bien moins amusant de réfléchir un tant soit peu que de jouer aux petits soldats en tentant de s’approprier une partie de la gloire de ceux qui ont effectivement risqué leur vie – et de plus à travers une production dont les vertus n’atteignent pourtant même pas celles d’une simulation mais à peine les qualités d’un jeu honorable dont l’ambiance tapageuse empêche de réfléchir aux véritables questions.

Et pour les développeurs, il est bien plus gratifiant de recevoir l’admiration aveugle de ces moutons obnubilés par un réalisme technique sans faille (1) au détriment de ce qui constitue pourtant la seule véritable réalité de cette guerre : comme quoi, ces jeux qualifiés de « réalistes » ne font au final qu’effleurer leur sujet…

(1) ou presque sans faille, car on peut distinguer plusieurs approximations dans ce soi-disant « réalisme » ; par exemple, devoir recharger ses armes est un pas dans la bonne direction mais si les balles restantes dans le chargeur remplacé restent à disposition du joueur sans que celui-ci les récupère une par une, ça commence à plomber le principe : si j’ai conscience que les développeurs n’ont pas voulu rendre le jeu trop pénible pour le joueur à travers la réalisation de toutes sortes d’actions en apparence triviales, je ne peux m’empêcher de constater qu’il faut néanmoins savoir ce que l’on veut – en d’autres termes, le réalisme se paye au prix de cette banalité qui engendre l’ennui à force de répétitions, et qui ne peut donc donner de bons jeux au final, précisément de par son réalisme même. Je pourrais donner d’autres exemples du même acabit. Bref, le « réalisme » de ces jeux n’est jamais qu’un pseudo-réalisme de bazar dont on ne retient que ce qui donne des apparences de réalité… comme dans n’importe quel autre jeu, prétendument réaliste ou non.

Note :

Call of Duty est le premier titre de la série éponyme dont les derniers opus ont battu tous les records de vente de l’industrie du jeu vidéo : je me demande si cette dernière peut vraiment s’en énorgueillir…

Call of Duty
Infinity Ward, 2003
Windows & Mac OS, env. 15 €

Halo: Combat Evolved

Jaquette DVD de l'édition internationale du jeu vidéo Halo: Combat Evolved2552, à bord du Pillar of Autumn : le croiseur spatial de combat a fui le monde de Reach qui vient de tomber sous l’alliance Covenant, et ce qu’il trouve en sortant de l’hyperespace dans une zone inconnue de l’espace… Une construction gigantesque en forme d’anneau, de 10 000 kilomètres de diamètre, qui orbite autour d’une planète morte. Une dernière attaque des Covenant force le navire à atterrir sur l’anneau, et le capitaine vous confie l’I.A. du vaisseau pour que ses informations ne tombent pas entre les mains de l’ennemi.

Titre-phare de la Xbox dès le lancement de la console en 2001, Halo: Combat Evolved est vite devenu une référence du genre FPS. Avec son univers chatoyant et élaboré, ses mécaniques de jeu innovantes, son intrigue soignée et ses designs à la forte personnalité, ce titre avait tout pour devenir un succès – même si les investissements de Microsoft dans le développement et la promotion du jeu jouèrent eux aussi un rôle dans cette réussite. Depuis, Halo engendra de nombreux titres, allant des préquelles aux séquelles en passant par les spin offs, et représente maintenant une franchise majeure de l’industrie du jeu vidéo.

Sous bien des aspects, d’ailleurs, Halo s’affirmait surtout comme une bouffée d’air frais plus que bienvenue dans le torrent des FPS « réalistes » de l’époque. Alors que tout le monde semblait s’entendre à développer des titres où on passait plus de temps à recharger ses armes et à se mettre à couvert qu’à s’amuser vraiment, les créateurs de Bungie Studios proposèrent des mécaniques simples mais néanmoins efficaces dans la conservation d’un rythme de jeu à la fois intense et rapide – du moins pour un FPS sur console de salon… Comme quoi, imagination et créativité l’emportent toujours sur la copie, ou plutôt la répétition.

Entre autres innovations, Halo proposait de ne pouvoir transporter que deux armes à la fois, ce qui peut sembler une forme de régression par rapport à tous les autres titres précédents du genre mais qui avait au moins le mérite de se montrer réaliste sans rompre le rythme des affrontements avec des recharges d’armes intempestives – il suffisait de remplacer les armes vidées de leur munition par celles ramassées sur les corps des ennemis… De la même manière, les grenades se lançaient avec une touche à part, de sorte qu’il n’était pas nécessaire de changer d’arme pour lancer une grenade : on pouvait très bien tirer avec son fusil et lancer des grenades en même temps.

Mais Halo était aussi un des premiers FPS à proposer le pilotage de véhicules : si cette fonctionnalité restait encore assez embryonnaire à l’époque, elle devint vite une des raisons principales du succès du titre, surtout en multijoueur. Quatre types de véhicules différents se trouvaient à disposition du joueur, avec chacun leurs avantages et leurs inconvénients : jeep de combat et char d’assaut côté humain, engin à effet de sol et petit avion bombardier pour les Covenant. Dans la partie solo, toutefois, leur utilisation semblait assez anecdotique, même si plutôt amusante en général, et pouvait parfois s’avérer franchement pénible selon l’objectif à remplir…

Le tout dans un univers qui, s’il n’échappe pas aux clichés les plus tenaces du genre space opera, et notamment celui à tendance militariste, démontre néanmoins une personnalité assez forte à défaut d’une réelle originalité. Le Halo, cet anneau gigantesque où échoue le navire Pillar of Autumn au début du jeu et où prend place la partie solo du titre, rappelle bien sûr le roman L’Anneau-Monde (1970) de Larry Niven, mais avec bien moins de souffle puisque la construction est ici en orbite autour d’une planète au lieu d’entourer un soleil ; la référence, ou le clin d’œil, ne laisse pas indifférent les connaisseurs néanmoins.

Et puis de toutes manières, les véritables enjeux du scénario d’Halo ne présentent aucune similitude avec ce livre ; ils s’articulent au lieu de ça autour d’une autre forme de cliché du space opera bâti sur un catastrophisme d’ampleur galactique assez caractéristique du jeu vidéo et qui dans ce cas précis n’étonne pas plus qu’il ne déçoit.

On est là pour s’amuser après tout, et sur ce point Halo est une production tout à fait satisfaisante…

Halo: Combat Evolved
Bungie & Gearbox Software, 2003
Windows & Mac OS, env. 15 €

Unreal II: The Awakening

Jaquette du jeu vidéo Unreal IIRien ne s’arrange pour le marshall Dalton : sa dernière demande de réaffectation au sein des marines encore refusée, il doit continuer à patrouiller l’espace connu pour assurer la sécurité des colons dans les mondes lointains ; le tout à bord d’un navire qui n’en finit pas de s’écrouler et à la tête d’un équipage non seulement réduit au minimum mais aussi bien difficile à commander… Et tout porte à croire que ça va encore durer longtemps avant que sa faute soit effacée. Mais au moins ses gars sont sympa dans le fond…

Et puis la routine se brise. D’un coup. Sans prévenir, ou pas vraiment. Un appel de détresse venant du système stellaire Elara amène Dalton et l’équipage de l’Atlantis sur la cinquième planète, Sanctuary, où le personnel d’une base d’extraction minière de la Liandri rencontre des difficultés. C’est une attaque. D’on ne sait qui, ou plutôt quoi. Mais les dégâts sont considérables, et presque tout le personnel est mort… Ce que Dalton y trouvera le mènera sur la piste d’un secret terrifiant, caché depuis des éons au sein des plus anciennes légendes de la galaxie, et qui menace l’équilibre de l’univers tout entier.

Screenshot du jeu vidéo Unreal II: The AwakeningOn sait tous qu’il y a des œuvres damnées, et un tel destin tient le plus souvent à deux raisons principales. Parce que leurs créateurs n’ont pas su se montrer à la hauteur des moyens dont ils disposaient, ou bien parce qu’ils se mesuraient à une paternité peut-être tenue en trop haute estime par les admirateurs de l’œuvre originale. L’échec – ou prétendu tel par certains – d’Unreal II: The Awakening tient un peu de ces deux raisons à la fois, encore qu’on peut y rajouter une troisième – plus banale car plus répandue et que je développerais en son temps. Le premier de ces motifs, ici, est aussi le plus intéressant car il permet d’aborder une problématique récurrente – dans l’industrie du jeu vidéo comme ailleurs.

Screenshot du jeu vidéo Unreal II: The AwakeningQuand j’évoquais les créateurs d’Unreal II, je ne pensais pas qu’aux gens de Legend Entertainment, par ailleurs des artistes et des programmeurs dont les capacités firent bien des envieux dans toute l’industrie du jeu vidéo ; je pensais aussi à Atari, anciennement Infogrammes, à l’époque propriétaire de Legend et distributeur des titres créés par ceux-ci mais aussi ceux développés par Epic Games – c’est-à-dire le patron de ces deux studios, pour simplifier à l’extrême. À ce moment-là, début des années 2000, Atari connaissait de grosses difficultés financières et la direction de cette maison d’édition cherchait comment rassurer ses actionnaires. Le plus simple consistait à sortir un « gros titre » : un jeu dont les grosses ventes suffiraient à combler tous les déficits.

Screenshot du jeu vidéo Unreal II: The AwakeningComme il reste toujours hasardeux de lancer une nouvelle licence, la meilleure option est de publier une séquelle d’un titre à succès. Or, à cette époque, Legend planchait déjà depuis quelques temps sur la suite du mythique Unreal dont l’aura – soutenue par l’immense réussite d’Unreal Tournament – n’avait pas faibli, loin de là. Le développement d’Unreal II restait loin du résultat prévu au départ mais avec assez de rafistolages, il y avait moyen d’obtenir un jeu tout à fait jouable : soit du cash immédiat et avec un risque si réduit qu’il en devenait négligeable. Legend appartenant à Atari, ils ne pouvaient pas refuser de répondre favorablement à une telle requête, pas vraiment en tous cas (1) – encore que quand on sait comment ils ont été remerciés, on se dit qu’ils auraient peut-être dû… (2)

Screenshot du jeu vidéo Unreal II: The AwakeningVoilà comment s’explique le semi-échec d’Unreal II, au moins en partie : Legend, qui au départ n’avait aucune contrainte de temps de développement, se vit soudain obligé de livrer ce qu’ils avaient conçu pendant deux ou trois ans en s’arrangeant pour que ça ne tienne pas trop mal la route. Bref, l’Unreal II qui connut une commercialisation ne représentait que la moitié de ce que le titre complet devait être au départ ; ceux d’entre vous curieux de savoir ce qui a été « coupé » de la version définitive afin qu’elle puisse être finie dans les temps pourront consulter avec plaisir – et quelques grincements de dents aussi, probablement – cette page des Liandri Archives chez BeyondUnreal.

Screenshot du jeu vidéo Unreal II: The AwakeningLa seconde raison de ce fiasco, au moins vis-à-vis des fans de la première heure, se montre beaucoup moins insidieuse et voire même assez attendue. Après tout, on ne peut prétendre à la succession d’un roi à moins d’être un prince, et il allait de soi que Legend ne bénéficiait pas de la même estime qu’Epic auprès des admirateurs de la franchise Unreal : le palmarès de Legend sur ce point, après tout, se limitait encore à un Mission Pack: Return to Na Pali qui connut à peine un succès d’estime que le triomphe d’Unreal Tournament fit vite oublier de toutes manières ; quant à leur adaptation de la série La Roue du temps, elle avait laissé assez indifférent dans la communauté Unreal

Screenshot du jeu vidéo Unreal II: The AwakeningMais comme je l’indiquais dans le premier paragraphe, il y a selon moi un troisième paramètre à prendre en compte : cette propension qu’ont les fans d’une œuvre à élaborer les détails de l’original que son auteur légitime n’a jamais développé ; en d’autres termes, ce sont les zones d’ombre qu’avait laissé Epic dans l’univers d’Unreal – et dont l’approfondissement, au moins partiel, avait été confié à Legend – qui ont donné aux fans la liberté d’imaginer ce que cet univers pouvait être, et donc ce qu’Unreal II aurait dû être selon eux – mais qui n’avait pratiquement aucune chance d’advenir, pour des raisons évidentes.

Screenshot du jeu vidéo Unreal II: The AwakeningJe me permets une petite aparté pour préciser mon propos, car ce que je viens de décrire dans le paragraphe précédent correspond à ce que j’appelle le « syndrome du clair-obscur » – faute d’un meilleur terme. Je rappelle à toutes fins utiles que l’école artistique du clair-obscur se caractérise par des images très contrastées, où les zones sombres sont complétement noires et le disputent aux zones claires : en apparence vides, ces zones noires se voient ainsi peuplées par l’imagination du spectateur qui ne peut concevoir le néant en regard de ce qui est représenté dans les zones claires.

Screenshot du jeu vidéo Unreal II: The AwakeningAinsi, les zones sombres d’Unreal premier du nom – et je veux dire par là les éléments de son univers jamais exposés dans l’opus original, mais non les zones d’ombre des niveaux du jeu lui-même – se virent-elles au fil du temps comblées par l’imagination des fans qui les remplirent ainsi chacun à leur façon de ce qu’ils voulaient bien y mettre selon leur créativité, mais qui ne pouvait qu’être foncièrement différent de ce que développait Legend… Le travail du studio aurait-il été considéré avec plus d’indulgence s’il avait été présenté complet ? Je le crois volontiers, mais on ne le saura jamais…

Et malgré tout…

Screenshot du jeu vidéo Unreal II: The AwakeningMalgré tout, Unreal II reste un pur space opera, qui vous mènera au fin fond du cosmos et aux quatre coins de la galaxie, et peut-être même plus loin encore. Dans la lignée d’un Star Trek, mais désabusé et à bout de souffle au lieu de présenter avec une certaine naïveté un futur foncièrement plus beau, et dont il ne retient en fin de compte que l’aspect exploration des étoiles et de mondes nouveaux, soit la promesse d’une aventure qui défie l’imagination, Unreal II s’affirme au final comme une véritable histoire de science-fiction, au propos certes simple mais dont l’univers présente tout ce qu’il faut de réalisme et de diversité pour garantir immersion et plaisir de jeu.

Screenshot du jeu vidéo Unreal II: The AwakeningIci, vous visiterez des mondes paradisiaques comme des enfers de glace, des planètes vivantes et d’autres biomécaniques, des complexes industriels et des déserts de sable. Vous combattrez des extraterrestres inconnus et de vieilles connaissances, mais aussi des résidus de manipulations génétiques et des guerrières de sectes fanatiques dans la plus pure tradition de Dune. Il y aura ceux que vous devrez tuer et ceux que vous pourrez épargner, sans oublier ceux que vous devrez protéger. Et pour tout ceci, vous aurez des alliés, dont les plus précieux vous accompagneront à bord de l’Atlantis, ce qui vous permettra d’apercevoir leurs cicatrices – parfois bien profondes.

Screenshot du jeu vidéo Unreal II: The AwakeningEt pour mener à bien la douzaine de missions qui vous attend, vous aurez bien sûr à votre disposition un arsenal plus que conséquent. Outre les classiques fusils d’assaut, fusil à pompe et fusil de précision, votre équipement comprend aussi un lance-flammes, un lance-roquettes aux vecteurs à tête chercheuse et un lance-grenades pouvant tirer six types de munitions différentes ; certaines missions vous permettront aussi d’utiliser des gadgets supplémentaires telles que des barrières-laser et des tourelles de tir automatisées. Enfin, vos excursions sur des mondes inconnus vous laisseront compléter votre attirail avec toutes sortes de flingues tous plus exotiques les uns que les autres.

Artwork du jeu vidéo Unreal II: The AwakeningMérite aussi d’être mentionné qu’Unreal II présente un élément qui ravira les mechaphiles : Dalton, ainsi que nombre de ses alliés comme de ses ennemis, est équipé d’un scaphandre blindé et mécanisé – soit une power armor, c’est-à-dire un mecha. Si cet équipement vous facilite l’interaction avec le décor, il sert surtout à augmenter votre résistance à défaut de votre agilité : il en résulte une jouabilité que beaucoup ont trouvé assez laborieuse et qui n’a hélas pas contribué à populariser le titre (3)… C’est néanmoins un élément qui rajoute un réalisme certain, au moins pour justifier la quantité de matériel transportable par Dalton ainsi que ses aptitudes de survie en milieu hostile. Hélas, si le jeu présente plusieurs modèles de scaphandres, seuls vos alliés et ennemis peuvent les utiliser, au contraire d’un Tribes: Vengeance

Screenshot du jeu vidéo Unreal II: The AwakeningLe tout dans un but qui s’avérera au final moins simple que ce que le synopsis en début de billet peut le laisser croire, et qui donnera peut-être quelques opportunités de réfléchir à certaines choses – même si on a vu des propos beaucoup plus sophistiqués. Sous de nombreux aspects d’ailleurs, il y a du 2000 AD dans Unreal II, voire du Métal hurlant, ce qui dans tout les cas reste un gage de qualité et assure aussi, d’une certaine manière, que cette suite se situe peut-être bien plus dans la lignée de l’original que ce que beaucoup de gens, peut-être un peu trop chagrins, ont pu le crier sur les toits à l’époque de la sortie de ce titre : on sait tous combien les fans meurtris, ou qui se prétendent tels, peuvent se montrer larmoyants…

Screenshot du jeu vidéo Unreal II: The AwakeningQuant à la réalisation proprement dite, elle se base sur la version 1.5 de l’Unreal Engine – et non la version 2, ce qui explique les quelques différences de performances avec Unreal Tournament 2003 – qui restait encore à l’époque une des technologies les plus abouties du secteur. D’ailleurs, le titre a très peu vieilli depuis sa sortie, ce qui surprend et réjouit à la fois, et compte tenu des performances des machines actuelles vous n’aurez aucun mal à en tirer tout le jus.

Bref, Unreal II est peut-être – je dis bien peut-être – un mauvais Unreal, mais ce n’est pas un mauvais jeu. Loin de là, même : les fans de space opera et de FPS parmi vous y trouveront assurément leur compte… et peut-être même plus.

(1) le problème d’Epic Games se présentait de façon différente : liés par contrat à Atari pour la livraison de deux titres au moins, ils ne pouvaient décliner la demande d’Atari de leur faire un second Unreal Tournament à partir des éléments créés avec Digital Extremes pour développer Unreal Championship ; ainsi fut conçu Unreal Tournament 2003, mais cette histoire reste assez peu comparable à celle d’Unreal II…

(2) le studio a été fermé sans aucune explication convaincante de la part d’Atari, alors que l’extension XMP pour Unreal 2 faisait un carton en ligne mais qu’Epic – toujours à la demande d’Atari – sortait un Unreal Tournament 2004 dont le mode de jeu Onslaught offrait de nombreuses caractéristiques comparables à celles d’XMP – toute la différence étant qu’UT2004 était un jeu payant alors qu’XMP était une extension gratuite…

(3) sur ce point, d’ailleurs, il m’est venu à l’esprit que ce choix des développeurs se basait sur une volonté de créer un jeu où l’aspect en quelque sorte tactique importait plus que le « skill » pur ; la supériorité des joueurs humains sur les intelligences artificielles n’étant plus à démontrer déjà à l’époque, réduire l’agilité des mouvements du joueur peut éventuellement s’inscrire dans la recherche d’un moyen de rééquilibrer la balance dans un titre orienté solo.

Note :

Un des plus gros reproches adressés à Unreal II lors de sa sortie concernait son absence totale de mode multijoueur. Ce défaut se vit corrigé quelques mois plus tard avec la publication en ligne de l’extension XMP – pour eXtended MultiPlayer – qui fut gratuite dès le premier jour, bien qu’elle nécessitait le Play Disc d’Unreal II pour son installation.

Un niveau bonus créé par Matthias Worch, de Legend Entertainment, intitulé Solaris Base et qui devait se situer entre les missions Hell et Acheron, fut rendu public après la sortie d’Unreal II. Il est disponible au téléchargement sur la page Unreal II des Liandri Archives chez BeyondUnreal – dans la section « Bonus Content ».

En dépit de son succès plus que mitigé, Unreal II connut néanmoins un portage sur Xbox exactement un an après sa sortie sur PC, soit en février 2004. À ma connaissance ce portage ne diffère en rien de la version originale pour PC.

Unreal II
Legend Entertainment, 2003
Windows & Mac OS, entre 1 et 3 € (occasions seulement)

– la page sur Unreal II: The Awakening des Liandri Archives (en)
– le site officiel de la franchise Unreal
– des sites d’informations : BeyondUnreal (en), Unreal.fr


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