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Omega Boost

Jaquette CD de l'édition PAL du jeu vidéo Omega BoostAlpha Core, un virus informatique intelligent, est parvenu à remonter le temps pour reprogrammer ENIAC, le tout premier ordinateur de l’Histoire, afin d’augmenter sa propre puissance dans le futur et ainsi dominer le monde. Seul l’Omega Boost peut se montrer assez rapide pour déjouer les plans d’Alpha Core en retournant lui aussi dans le passé, mais il exige un pilote à sa hauteur…

Depuis Space Invaders en 1978, le genre des shoot ’em up reste un des plus anciens des jeux vidéo mais aussi un des plus populaires, décliné sur tous les supports et dans tous les styles, au point d’ailleurs qu’il en est devenu presque emblématique de ce média. Avec le développement et la généralisation des moteurs de rendu en 3D temps réel, de plus en plus de titres adoptèrent ce format, le plus souvent pour des raisons d’améliorations cosmétiques mais aussi, parfois, pour proposer de l’action à 360° : Omega Boost compte parmi de telles productions.

Screenshot du jeu vidéo Omega BoostVéritable ode à la fureur et à la vitesse, il se caractérise par un rythme de jeu particulièrement effréné où les projectiles et les ennemis pleuvent de tous les côtés, au sens strict du terme. Depuis la vastitude de l’espace jusqu’à des tunnels temporels, en passant par la surface d’une planète sombre, vous y croiserez des ennemis aussi divers que des astéroïdes entourés de sphères de défense, des ailes volantes et des araignées mécaniques, des vers des sables ou de l’espace, jusqu’à des espèces de blobs dorés et des diamants bleus escortés d’un anneau d’halos – entre autres.

Bref, toute la ménagerie habituelle du genre quand celui-ci s’incarne dans un univers de science-fiction aux nets accents space opera. Pour s’occuper de leur cas, vous aurez à disposition deux types d’armes : un laser et des missiles, tous en quantités illimitées et à l’utilisation d’autant plus facilitée qu’une touche vous permet de rester orienté vers la cible la plus proche sans trop de difficultés. Une troisième arme se débloque une fois arrivé à un certain score, qui permet de provoquer des dégâts considérables mais dont les munitions sont limitées – elle sert donc à finir les boss de fins de niveaux…

Screenshot du jeu vidéo Omega BoostVoilà pourquoi, entre vos tirs et ceux des ennemis qui pullulent tout autour de vous, l’écran de jeu d’Omega Boost devient vite indéchiffrable à force de se voir saturé de projectiles dont seule la couleur vous permet de différencier les vôtres de ceux qu’il vous faut éviter. Et voilà pourquoi Omega Boost, au final, devient assez insipide : parce que devant une telle prolifération de données critiques, le cerveau du joueur finit par ne plus réagir que de manière instinctive, primaire, et au bout du compte complétement détachée – on joue sans vraiment faire attention à ce qui se passe à l’écran.

Il reste néanmoins un titre qui compte parmi les derniers développés pour la Playstation, et qui plus est par le studio de la série des Gran Turismo dont Omega Boost reprend bien sûr le moteur, soit une production aux visuels pour l’époque très réussis et dans laquelle les mecha designs de Shoji Kawamori acquièrent une présence rare.

Bref, si les joueurs spécialistes des shoot ’em up trouveront là un défi à relever, les autres pourront s’en lasser assez vite. Pour public friand d’adrénaline de préférence, donc…

Note :

La séquence d’intro ci-dessus est celle de la version américaine du jeu, que j’ai choisi pour sa qualité d’encodage : les musiques des versions japonaises et européennes différent.

Omega Boost
Polyphony Digital, 1999
Playstation, env. 20 € (occasions seulement)

WipEout 2097

Jaquette PAL du jeu vidéo wipEout 2097Il n’y a plus d’espace. Le monde se rétrécit… comme un raisin qui sèche.

D’est en ouest… du nord au sud… tu te retrouves face à ton ombre et à l’écho de tes pensées avant même de réaliser que tu étais parti.

Des paysages tracent des boucles dans l’espace, taillés dans la roche, découpés dans la glace. Des vaisseaux se troublent comme des traces de peinture jetées avec fureur. Des traces sur le globe. Bande sonore de tes rêves et de tes visions…

Ne t’attardes jamais sur le passé. Oublie ces jours humides et ternes.

Notre avenir est plein de couleurs. De vitesse. De bruit. Un avenir plein de…

De la jungle à la ville et au tréfonds de ton esprit. Secoue la tête et libère-toi.

Libère-toi.

Écran de menu du jeu vidéo wipEout 2097Comme son titre ne l’explique pas de la manière la plus claire, wipEout 2097 – connu aux États-Unis sous le nom de wipEout XL – fait suite à WipEout (Psygnosis ; 1995), premier opus de la série éponyme qui en compte huit à ce jour. Sa particularité ? Le pilotage d’engins antigravité et non seulement ultra-rapides mais aussi armés jusqu’aux dents… Situé en 2097, soit 45 ans après WipEout et plus de 60 ans après l’invention des dispositifs permettant de s’affranchir de la gravité, ce jeu de course futuriste permet de participer à la compétition internationale F5000 AG – Racing League qui, dans les grandes lignes, se différencie assez peu de la F3600 du titre précédent.

Screenshot du jeu vidéo wipEout 2097Avec ses six circuits, plus deux à débloquer, et ses quatre écuries, plus un cinquième qu’il faut lui aussi mériter, wipEout 2097 ne fait pas dans l’exhaustif et au lieu de ça en reste à ce qui fait toute la substance des jeux de course : la vitesse – pure et immaculée. Ici, les bolides filent si vite que le paysage se brouille, s’étiole et finit par disparaître ; au final, il ne reste plus que la piste, mince langue de béton et de bitume bardée de fer et de panneaux publicitaires clignotants, qui semble s’étirer à l’infini alors pourtant qu’elle ne fait que se mordre la queue. Et tout au bout de cette folie, la gloire ou la mort… mais aussi la foule du public en délire qui acclame son dieu.

Screenshot du jeu vidéo wipEout 2097Car wipEout 2097 se veut une ode à la vitesse mais aussi à la puissance, et ici la force s’exprime autant dans les chevaux des engins que dans leurs équipements – des armes à l’extrême sophistication pour la plupart, telles que mines et bombes, ou missiles et roquettes… Il ne s’agit pas seulement de dépasser ses adversaires, mais aussi de les détruire ; ou en tous cas, disons que cet arsenal aide beaucoup à les garder derrière soi. Si les véhicules transportent tout cet attirail dès le début de la course, il faut néanmoins le débloquer en passant sur des marques au sol pour pouvoir l’utiliser au moment judicieux – un petit aspect tactique appréciable…

Screenshot du jeu vidéo wipEout 2097Quant aux véhicules eux-mêmes, ils présentent chacun leurs caractéristiques. Accélération et vitesse de pointe, mais aussi stabilité et résistance – ou plutôt énergie, pour conserver le terme choisi par les développeurs : s’il tombe à zéro, vous êtes hors jeu. Selon vos préférences et votre style de pilotage, vous obtiendrez de meilleurs résultats avec certains qu’avec d’autres ; mais de toutes manières, il reste conseillé de changer régulièrement d’engin tout au long de la partie : des pistes se montrent plus dociles avec certaines machines. Il vous faudra aussi apprendre à utiliser les aérofreins, pour conserver la pleine maîtrise de votre engin.

Screenshot du jeu vidéo wipEout 2097Et puis il y a les circuits. Situés aux quatre coins du monde, ils traversent des usines désaffectées comme des parcs naturels, percent des montagnes ou survolent les rues de cités. Leurs circonvolutions et leurs reliefs enfiévrés vous apprendront que vous ne savez rien de la route : ils vous séquestreront, vous conditionneront, vous transformeront en leur petite chose… et vous en redemanderez. Au rythme des compositions techno des plus grandes figures du moment dans le domaine, vous arpenterez ces pistes névrotiques jusqu’au bout de la nuit – et même plus loin encore. Prenez juste garde à ne pas en toucher les bords.

Référence incontournable des jeux de course futuristes depuis plus de 15 ans, la franchise WipEout s’est enrichie un an à peine après la sortie de son premier opus d’une suite qui devait laisser une marque indélébile dans la licence comme dans le genre. Acclamé tant par le public que par la critique, wipEout 2097 reste encore à ce jour un des meilleurs volets de la série et une excellente introduction à celle-ci.

WipEout 2097
Psygnosis, 1996
Playstation, env. 10 €

– le site officiel de la série WipEout
– les musiques de CoLD SToRAGE

Ace Combat 3: Electrosphere

Jaquette PAL du jeu vidéo Ace Combat 3 : ElectrosphereMilieu du XXIe siècle. L’effondrement des états-nations a laissé le monde aux mains des corporations et des multinationales. Deux des plus puissantes d’entre elles, Neucom Incorporated et General Resource, se disputent des territoires du continent Uséen depuis plusieurs années quand ces tensions explosent soudain dans un conflit armé aux conséquences potentiellement désastreuses.

Vous travaillez pour l’UPEO, l’organisation chargée d’arbitrer le conflit, y compris par la manière forte s’il le faut. Vous ? Une intelligence artificielle de pointe appelée Nemo et employée comme pilote de chasse : au fil de vos interventions, l’ombre d’une troisième faction se dessine peu à peu…

Un tiers qui semble un as de la manipulation. Mais qui peut bien vouloir plonger la planète dans une troisième guerre mondiale ?

Qui, ou plutôt… « quoi » ?

Screenshot du jeu vidéo Ace Combat 3: ElectrosphereÀ la différence des deux premiers opus de la série, et comme l’explique le synopsis ci-dessus, Ace Combat 3: Electrosphere ne situe pas son intrigue dans le présent mais dans un avenir assez proche : c’est donc le premier titre de la licence à appartenir pleinement au registre de la science-fiction (1). Pour une franchise qui s’était jusqu’ici bâtie sur la simulation de combat aérien moderne, le parti pris des développeurs avait de quoi surprendre et même inquiéter : comment, en effet, conserver le réalisme d’une simulation quand celle-ci met en scène des technologies pas encore inventées, et donc encore moins testées, au moment du développement du jeu ? En d’autres termes, ce qui fait la substance même d’Ace Combat ne risquait-il pas de disparaître ?

Écran titre du jeu vidéo Ace Combat 3: ElectrospherePourtant, ç’aurait été oublier un peu vite qu’aucun titre de la série n’a jamais vraiment prétendu au réalisme pur et dur pour commencer. Ace Combat, en effet, a commencé comme un jeu sur borne d’arcade, c’est-à-dire un type de production où le divertissement compte plus que la simulation. Dès lors, la question de la projection de cette licence dans l’avenir devait se poser tôt ou tard : le réel s’avère assez vite limité après tout, du moins si on ne veut pas donner une coloration politique au titre développé… Et sur le point de la distraction et du dépaysement, Electrosphere ne déçoit pas : c’était alors l’unique opus de la série à proposer une mission aux commandes d’un Lockheed SR-71 Blackbird ou encore… dans l’espace.

Un des avions fictifs du jeu vidéo Ace Combat 3: ElectrosphereMais une ombre plane sur Electrosphere, celle de Macross, et surtout Macross Plus (Shoji Kawamori ; 1994). La simple évocation d’une intelligence artificielle comme pilote de jet de combat, d’ailleurs, se montre assez implicite ; ajouter à ça une rivalité acharnée entre deux corporations de grande envergure dans leur domaine respectif, et le tableau est complet… De plus, certains visuels du jeu revendiquent assez clairement l’inspiration dont ils découlent : les instruments et les données du cockpit de l’appareil du joueur, par exemple, rappellent beaucoup ceux de l’avion que pilote Guld Bowman à l’aide de ses propres ondes cérébrales – un système de guidage d’ailleurs lui aussi présent dans Electrosphere, ou du moins dans sa version originale japonaise.

Écran de mission du jeu vidéo Ace Combat 3: ElectrosphereD’autres innovations aussi, et de taille, dans les mécaniques de jeu. La fonctionnalité la plus plébiscitée reste encore la possibilité pour le joueur d’orienter à 360° la caméra simulant le point de vue du pilote, ce qui permet de conserver en permanence l’ennemi dans son champ de vision ; cet aspect du jeu devint si populaire qu’il se vit porté sur tous les autres opus suivants de la série. Enfin, pour la première fois dans l’histoire de la franchise, le joueur pouvait choisir son armement pour améliorer ses performances en mission au lieu de devoir toujours jouer avec l’équipement par défaut : ainsi pouvait-on troquer sa mitrailleuse par un canon lourd et choisir ses types de missiles ou de bombes selon les objectifs à remplir.

Screenshot du jeu vidéo Ace Combat 3: ElectrosphereEnfin, l’ensemble des visuels de l’interface rappellent beaucoup les recherches graphiques de la série de jeux de course futuristes WipEout développée par Psygnosis, et en particulier son opus Wip3out (1999) dont nombre d’écrans de choix et d’options sont en nuances de gris comme sur Electrosphere ; de même, l’affichage tête haute ainsi que les logos des principales factions d’Ace Combat 3 trahissent eux aussi un style proche de celui de l’esprit visuel de WipEout. Pour finir sur ce point, on peut évoquer la bande originale, toute en musiques électroniques – encore une fois, comme dans WipEout – au lieu de la musique rock aux nets accents métal auxquels la série nous avait habitué jusque-là : plus qu’un simple changement, mais une personnalité entièrement nouvelle…

Logo de l'UPEO, organisation de maintien de la paix dans le jeu vidéo Ace Combat 3: ElectrosphereMais l’aspect le plus intéressant du titre reste absent de ses versions occidentales, car son scénario s’est vu très sérieusement amputé lors de ses localisations hors du Japon. Avec ses cinématiques dans le style anime – réalisées par Production I.G – et ses personnages fouillés interagissant tout au long de ses 52 missions, Ace combat 3 était en fait bien plus qu’un simple jeu de simulation de combat aérien futuriste, mais bel et bien un récit au sens strict du terme. Dépouillée de presque tous ses éléments narratifs et son compte de mission réduit à 36, la version américaine n’est plus que l’ombre de l’originale ; quant à la version européenne, elle ne propose que les missions et plus aucune histoire… De sorte qu’au final on saisit mal ce qu’est cette « electrosphere » qui conclue la partie.

Il reste néanmoins un titre tout à fait exceptionnel pour son époque, dont la réalisation a très bien résisté au temps, et dont la variété dans les objectifs de missions, la qualité des designs des avions fictifs qu’il propose et la diversité des armements et des équipements que peut choisir le joueur procurent des sensations de jeu tout à fait mémorables. Bref, c’est un titre qu’aucun passionné d’aviation moderne ne saurait rater.

(1) encore que les deux précédents effleuraient au moins ce genre puisqu’ils se déroulaient dans une réalité parallèle où les événements historiques ne sont pas arrivés exactement tels qu’on les connaît, ce qui en faisait donc des uchronies.

Note :

Bien qu’aucun remake officiel d’Electrosphere n’ait été annoncé par les développeurs pour le moment, et même si cette option n’a jamais été définitivement écartée non plus, un groupe de fans a lancé en 2009 un projet de traduction complète de la version originale japonaise du jeu, intitulé Project Nemo – Translating Ace Combat 3: Electrosphere.

Ace Combat 3: Electrosphere
Namco, 1999
Playstation, entre 10 et 30 € (occasions seulement)

– le site officiel d’Ace Combat 3: Electrosphere (jp)
Acepedia : le wiki de la série Ace Combat (en)
The Electrosphere : un forum de fans de la série (en)

Mechwarrior 2 (fin)

Couverture de la seconde édition (1991) du jeu de rôle MechwarriorSommaire :
1. L’univers
2. Le jeu
3. L’exégèse (le présent billet)

L’exégèse

Que personne ne se laisse tromper par la présentation que j’ai faite de l’univers de Mechwarrior dans la première partie de cet article car, en dépit de ses apparences de science-fiction et de space opera, il s’agit bien d’une transposition dans un contexte futuriste de la plupart des truismes propres à l’heroic fantasy – et d’une manière qui rappelle d’ailleurs Star Wars sous bien des aspects, l’immense succès populaire de cette saga cinématographique n’étant peut-être pas pour rien dans le développement de la franchise Battletech. Ce qui du reste n’a rien de bien surprenant quand on sait combien le space opera, du moins pris dans le sens le plus large du terme, a pu emprunter à divers genres, souvent voisins, parfois antagonistes, mais toujours imaginaires.

Si on reconnait bien des influences assez évidentes de certains classiques de la science-fiction tel que Dune (Frank Herbert, 1965) – pour le renouveau de la féodalité dans un contexte de civilisation galactique – ou bien Fondation (Isaac Asimov, 1951) – pour l’ambiance de luttes permanentes agitant les restes d’un empire galactique défunt (en l’occurrence, la Ligue Stellaire) – on trouve aussi parmi les éléments prépondérants de cet univers des truismes propres à cet heroic fantasy qui domine les productions de jeux de rôle sur table à l’époque et dont les créateurs de FASA étaient certainement adeptes compte tenu de leur profession de concepteurs de jeux de ce type : cinq grandes maisons organisées en monarchies avec leur cortège respectif de vassaux et de seigneurs, une ancienne Ligue Stellaire comme archétype d’une civilisation d’antan en guise d’utopie disparue (1) et que chaque camp en présence souhaite restaurer pour son propre compte, un ordre religieux – la ComStar – au rôle prépondérant tant dans les domaines politiques et sociaux que militaires et qui tâche de conserver le savoir sous toutes ses formes dans une époque pour le moins troublée, des guerres sans fin pour le pouvoir orchestrées par des troupes dont les élites pilotent des « machines fabuleuses » – c’est-à-dire « magiques » d’un certain point de vue, d’autant plus que les secrets de la technologie qui les anime s’est perdue dans le torrent des siècles (2) – et qui évoquent ainsi les chevaliers de jadis maniant des armes forgées à partir d’arcanes et de sortilèges,…

Pourtant, il reste malgré tout un univers riche et chatoyant, considérablement étoffé par de nombreux romanciers qui ont développé les quelques grandes lignes ébauchées par les créateurs du jeu original à travers des productions d’envergure servant de préquelles comme de spin off à la trame principale. Si le jeu de plateau Battletech n’était effectivement qu’une retranscription dans les étoiles des enjeux de l’heroic fantasy traditionnel – popularisé par des productions comme Donjons et Dragons ou JRTM – il se drape dans Mechwarrior d’un vernis typique de la science-fiction qui approfondit sa portée sur la majorité des plans (historiques, sociaux, technologiques, etc) tout en proposant des développements qui frisent avec les limites du space opera le plus classique mais sans pour autant renier ses racines.

Toutefois, et en dépit de ces qualités certaines, on ne peut s’empêcher de déplorer l’absence de technologies alors balbutiantes (telles que les nanotechnologies ou les biotechnologies, secteurs de pointe très peu connus du grand public à l’époque ; ou encore une utilisation très rudimentaire de la cybernétique, c’est-à-dire limitée aux simples prothèses, plus ou moins améliorées, et sans rien de tout l’attirail auquel nous ont habitué les cyberpunks), ce qui donne malgré tout à cet univers un air quelque peu dépassé et qui nuit à son réalisme : on ne peut même pas admettre que de telles technologies ont existé dans l’univers de Mechwarrior avant de disparaître au cours des effondrements technologiques qui ont accompagné les Guerres de Succession car si c’était le cas les Clans les posséderaient toujours… (3)

Hélas, l’intérêt « science-fictif » de Mechwarrior s’arrête là car en aucune façon cet univers explore les retombées sociales de développements techno-scientifiques. D’ailleurs, l’inspiration principale de son créateur tenait dans la période historique suivant immédiatement la chute de l’Empire romain (4), de sorte qu’il n’y avait aucune volonté de ce genre pour commencer ; en fait, c’était même tout le contraire : l’idée de départ consistait à tordre le cou au principe même du progrès technique dans une civilisation industrielle, celui-là même qui veut que toute machine construite à une époque donnée était forcément supérieure à toute autre machine conçue à une époque antérieure (5). Dans Mechwarrior, c’est le passé qui est beau mais jamais l’avenir : en fin de compte, cet univers n’est jamais que l’apologie de ce refus de grandir dont la variante populaire « C’était mieux avant » est bien connue – un principe d’ailleurs typique de l’heroic fantasy, ou du moins de ces mythes et légendes plus ou moins saupoudrés de religion dont ce genre s’inspire et qui présente souvent les temps passés comme bien plus glorieux que le présent et, a fortiori, le futur (6).

C’est donc en dépit de sa richesse et de sa cohérence, toutes deux aussi admirables l’une que l’autre (7), que Mechwarrior s’avère en fin de compte décevant. Par son refus de la modernité dans lequel il s’obstine, cet univers s’enlise en fait dans une obsolescence caractérisée, et aussi caractéristique de cette science-fiction dite « populaire » qui ne vaut au final que par ses qualités distractives. En sont d’ailleurs témoins les divers romans tirés du jeu de plateau original et de son extension en jeu de rôle qui ne proposent au final que des espèces d’aventures spatiales plus ou moins orientées vers les intrigues de cour à l’échelle galactique comme le font de nombreux romans d’heroic fantasy contemporains.

Il reste toutefois le voyage vers un avenir pour le moins original et somme toute bien captivant, qui a su se diversifier et s’approfondir jusqu’à devenir un univers à la profondeur rare, et dont les aficionados ne se comptent plus : c’est aussi à ce genre de « détail » qu’on reconnait un coup au but…

(1) souvent personnifiée par le mythe de l’Atlantide dans beaucoup de productions se réclamant de l’heroic fantasy.

(2) si on suit la dernière des Trois Lois de Clarke, toute technologie assez avancée prend l’allure de la magie pour quiconque ignore son fonctionnement.

(3) et même si les Clans ont eu eux aussi l’occasion de perdre une partie de leur savoir technologique au tout début de leur exode ; mérite néanmoins d’être rappelé que si l’univers de Mechwarrior ne présente pas de manipulations d’ADN il utilise malgré tout la sélection génétique – précisément chez les Clans, justement, qui s’en servent pour enfanter des guerriers toujours plus implacables – d’une manière assez semblable à celle de Frank Herbert, dans son cycle de Dune déjà évoqué, qui utilisa en son temps une astuce semblable pour justifier l’apparition du Kwisatz Haderach – toute la différence étant qu’Herbert écrivit son célèbre roman au début des années 60, c’est-à-dire à une époque où l’hélice d’ADN n’avait pas encore été découverte, alors que Battletech fut créé au début des années 80…

(4) voir l’introduction, par Jordan Weissman, à Shrapnel: Fragments of the Inner Shere (FASA Corportation, collection Battletech n°8611, ISBN : 1-555-60082-4), page 7.

(5) Jordan Weissman, op. cité.

(6) outre le mythe de l’Atlantide déjà évoqué, on peut rappeler que l’âge des Hommes dans la mythologie grecque est postérieur à un âge d’or présenté comme « un éternel printemps » qui vit sa conclusion avec l’avènement de Zeus ; plus proche de nous, l’exil d’Adam et Ève du jardin d’Éden dans la Bible traduit la même idée d’une époque antérieure bien plus lumineuse que l’instant présent ; ce ne sont que deux exemples parmi beaucoup d’autres.

(7) précisons néanmoins que la manière dont les Guerres de succession ont anéanti des siècles de progrès technique dans l’univers de Mechwarrior demeure pour le moins discutable : ce qui était valable au sortir de l’Antiquité, quand les technologies de conservation du savoir étaient encore embryonnaires, ne vaut plus de nos jours où les informations peuvent être dupliquées d’un bout à l’autre de la planète en un instant ; c’est d’ailleurs ainsi que le contenu de ce blog est régulièrement sauvegardé dans plusieurs banques de données différentes en même temps, assurant de la sorte la préservation de son contenu.

Sommaire :
1. L’univers
2. Le jeu
3. L’exégèse (le présent billet)

Mechwarrior 2 : Combat au 31ème siècle – Arcade Combat Edition
Quantum Factory, 1997
Playstation, entre 5 et 35 € (occasions seulement)

Mechwarrior 2 (suite)

Screenshot de la version Playstation du jeu vidéo Mechwarrior 2Sommaire :
1. L’univers
2. Le jeu (le présent billet)
3. L’exégèse

Le jeu

Si la licence BattleTech connut plusieurs adaptations en jeux vidéo avant ce titre précis, c’est Mechwarrior 2 qui fut le premier de la série à être réalisé tout en 3D – et aussi un des premiers jeux vidéo tout court à bénéficier de l’accélération matérielle des cartes graphiques. Édité et développé pour le PC par Activision, il sortit en 1995 et connut deux add-onMechwarrior 2: Ghost Bear’s Legacy et Mechwarrior 2: Mercenaries – avant de recevoir un portage sur Playstation développé par le studio Quantum Factory et sorti en 1997.

Mérite d’être mentionné que l’adaptation en jeu vidéo pour le PC différait considérablement de son équivalent en jeu de plateau, et pas pour des raisons d’ordre technique – le succès du tout premier titre de la licence Warcraft aurait pu en effet inciter Activision à développer un jeu de stratégie. Si le jeu de plateau proposait de jouer plusieurs unités à la fois, le jeu vidéo ne permettait que d’en piloter une seule – en vue subjective – et faisait une emphase assumée sur l’action au lieu de la tactique, mais sans pour autant basculer dans l’arcade pure : en fait, Mechwarrior 2 était surtout une des toutes premières simulations de combat de mechas dans l’histoire du jeu vidéo.

On pourrait penser que les développeurs avaient quelque peu trahi l’esprit du jeu de plateau original si la société FASA elle-même n’avait pas commencé par faire développer les premiers simulateurs de combat de Battlemechs par Virtual World Entertainment pour le Battletech Center de Chicago : Mechwarrior 2 n’était en fin de compte qu’une transposition sur le PC de ce qui existait déjà sur des espèces de bornes d’arcade mais qui avait malgré tout exigé cinq années de développement du hardware pour pouvoir être ainsi « porté » sur les ordinateurs personnels.

Cependant, à l’inverse des simulateurs du Battletech CenterMechwarrior 2 avait néanmoins repris un aspect fondamental du jeu de plateau : la possibilité de personnaliser son Battlemach. Car Battletech permettait non seulement de modifier les configurations des mechas proposés par les concepteurs du jeu, mais aussi d’en créer d’entièrement nouveaux – à l’aide d’une liste d’éléments tels que châssis, moteurs, blindage, armes et munitions que le joueur pouvait combiner à loisir tant qu’il ne dépassait pas le tonnage de base choisi au départ. Avec la publication d’extensions, ce système de construction s’étendit par la suite à tous les autres types de véhicules jouables…

C’est à mon sens cette manière de permettre aux joueurs de participer directement, et en quelque sorte, à la conception du jeu, à l’établissement de ses règles – au moins d’un certain point de vue – qui est responsable de l’engouement du public pour cette franchise à succès. Ceci et une dimension visuelle comme les jeux de plateau de l’époque en avait rarement vue : il vaut de préciser à ce sujet que le créateur de Battletech, Jordan Weissman, s’était directement inspiré pour concevoir son jeu d’animes de mechas du tout début des années 80 (1) et la résolution de presque toutes les actions des joueurs au cours d’une partie reflétait ce parti pris.

Une dimension visuelle dont ce système de customisation des mechas était un autre aspect, d’ailleurs, mais qui avait hélas pour corolaire de rendre le jeu long et fastidieux – encore que je préfère dire qu’il requiert patience et persévérance, ce qui reste assez différent. En effet, les tables étaient nombreuses et les jets de dés l’étaient encore plus, de sorte que selon le nombre d’unités en présence et leur type, un simple tour de jeu pouvait très bien prendre entre 20 minutes et une heure à résoudre ; sans compter que les feuilles de caractéristiques des engins exigeaient une rigueur de préparation frisant la névrose…

Bref, comme la plupart des itérations du genre mecha dans le domaine ludique, Battletech était un titre exigeant (2).

C’est ce qui fait une bonne partie de l’intérêt de Mechwarrior 2, car ce titre retire tous les aspects rébarbatifs de Battletech pour n’en retenir que les aspects visuels. Ou presque tous. Car comme je l’évoquais plus haut il n’est pas possible dans cette adaptation de créer de nouveaux types de mechas mais seulement de modifier les modèles existants en combinant une liste de pièces ; quant aux véhicules, ils y sont tout simplement inutilisables puisque le joueur ne peut que piloter un Battlemach – ce que certains aficionados hardcore regretteront peut-être… De plus, on ne pouvait contrôler qu’une unité à la fois, la sienne, ce qui retirait tout l’aspect « tactique » du jeu original.

Mais avec sa vue subjective et son nombre ahurissant de commandes qui n’épargnait que peu de touches du clavier, l’aspect simulateur du jeu permettait une immersion totale dans la partie. Le nombre d’informations à l’écran réduit au minimum pour dégager le champ de vue au maximum, le contrôle par joystick permettant de reproduire toutes les manœuvres des mechas du jeu original, Mechwarrior 2 était un pur bonheur de mechaphile : une fois le Battlemach équipé des systèmes favoris du joueur – et si celui-ci le souhaitait, cette « préparation » étant tout à fait optionnelle – il ne restait plus qu’à accomplir les missions à grands coups de lasers, d’autocanons et de missiles…

C’est ce qui manque cruellement à ce portage console, car Mechwarrior 2 : Combat au 31ème siècle – Arcade Combat Edition ne procure pas du tout les mêmes sensations que Mechwarrior… L’emphase étant ici faite sur l’arcade – peut-être en raison du nombre limité de boutons d’un pad de console – l’aspect simulateur disparaît presque complétement pour ne proposer que de l’action pure. Quant à la customisation des mechas, elle est remplacée par une liste de variantes des appareils, sous la forme de configurations types que le joueur peut ou non choisir selon les missions qu’il doit remplir.

Les éléments essentiels sont néanmoins conservés, tels que la gestion de la chaleur interne du Battlemach ou bien le nombre de munitions, ou encore la possibilité pour les mechas de faire pivoter la partie supérieure de leur torse comme une tourelle pour mieux viser leur cible. De sorte qu’au final, ce n’est pas un jeu inintéressant mais il retient surtout l’aspect « bourrin » de Battletech – celui qui ne plaît pas forcément à tout le monde.

Mais de toutes manières, il y a peu de chance pour que vous puissiez jouer à la version PC, celle-ci étant beaucoup trop ancienne pour tourner sur des OS actuels en dépit de tous les efforts de nombreux modders qui ont tenté – et pour certains tentent encore – de la rendre compatible. Alors, contre mauvais fortune…

Fin de l’article (L’exégèse)

(1) voir l’introduction, par Jordan Weissman, à Shrapnel: Fragments of the Inner Shere (FASA Corportation, collection Battletech n°8611, ISBN : 1-555-60082-4), page 6.

(2) à noter que le jeu vidéo open source MegaMek permet de simuler une partie de Battletech dans les moindres détails et sans avoir à se préoccuper de tables ou même de lancers de dés, ce qui accélère considérablement le temps de jeu… mais au détriment de tout son aspect visuel puisque la résolution des actions n’y prend que quelques secondes sans aucune intervention de la part du ou des joueur(s) ce qui tend à rendre leur déroulement assez confus.

Sommaire :
1. L’univers
2. Le jeu (le présent billet)
3. L’exégèse

Mechwarrior 2

Jaquette PAL du jeu vidéo Mechwarrior 2En ce XXXIe siècle, la colonisation de la galaxie a vu l’émergence de cinq grandes Maisons qui se déchirent en Guerres de Succession depuis la chute de la glorieuse Ligue Stellaire il y a 300 ans. Alors que l’alliance Davion-Steiner est sur le point d’imposer sa suprématie, les Clans surgissent soudain et rien ne semble pouvoir arrêter leurs armées dotées d’une technologie supérieure…

Stoppés lors de la Bataille de Tukayyid, leur chef suprême, Ulric Kerensky du Clan Wolf, accepte un cessez-le-feu avec les Maisons. Mais beaucoup des autres chefs de Clans contestent sa décision et bientôt les Clans se trouvent divisés. Ainsi le Clan Jade Falcon et le Clan Wolf en viennent à s’affronter ouvertement : c’est au gagnant de cette « Épreuve » que reviendra le droit de décider si la trêve avec les Maisons doit être respectée ou non.

Sommaire :
1. L’univers (le présent billet)
2. Le jeu
3. L’exégèse

L’univers

Créé par la société FASA, fondée par Jordan Weisman en 1980, Mechwarrior (traduit en France par Technoguerriers) était au départ le jeu de rôle du jeu de plateau BattleTech dont la toute première édition fut publiée en 1984. BattleTech mettait en scène des combats de mechas appelés Battlemechs – ou encore Battlemach comme abréviation de Battle Machine – dans un univers très inspiré de la chute de l’Empire Romain mais replacé dans un contexte futuriste aux forts accents de space opera.

Cet avenir présentait une portion de la galaxie colonisée par l’Humanité et jadis dirigée par une Ligue Stellaire qui s’était imposée par la force dans le but de faire cohabiter cinq vastes états constitués de nombreux systèmes planétaires ; appelés Maisons, en raison de leur organisation respective qui avait dû reproduire des systèmes sociaux proches de ceux du Moyen Âge pour répondre à la rigueur de la colonisation de l’espace lointain, ces cinq états se disputaient sans cesse leurs mondes limitrophes : la Ligue Stellaire, installée sur la Terre, était ainsi devenue le seul moyen de régler leurs différents par la voie diplomatique.

Mais la Ligue… finit par s’effondrer, victime des machinations du chef d’une Maison qui souhaitait prendre le pouvoir, et la galaxie se trouva ainsi plongée dans une série de Guerres de Succession qui s’étendit sur des siècles et fut bien prés d’anéantir la civilisation de l’espace. Sans Ligue… pour restreindre leur soif de conquête et de pouvoir, les Maisons s’affrontèrent avec tant de fureur que de nombreux secrets technologiques disparurent avec la destruction d’usines automatisées ou de banques de données alors que des techniciens hautement spécialisés tombaient victimes de ces combats aveugles. Dans les quelques années de la Première Guerre de Succession à peine, des siècles de progrès techniques furent perdus.

Seul demeura le réseau de communication hyperspatial, unique moyen de communiquer de manière instantanée – ou presque – d’un bout à l’autre de la galaxie, qui devint peu à peu une faction supplémentaire régnant sans partage sur la transmission de données : un rôle crucial quand les mondes colonisés sont éloignés par des distances représentant plusieurs jours, semaines ou même mois de temps de voyage, en rendant ainsi impossibles les communications de vive voix d’un bout à l’autre du territoire d’une Maison. Éléments fondamentaux de toute logistique militaire, ses stations-relais n’essuyèrent aucune destruction lors des diverses Guerres de Succession et très bientôt ce réseau de communication se fit connaître sous le nom de ComStar.

Celle-ci adopta une organisation semblable à celle développée par les Maisons lors de la colonisation de l’espace, mais avec une composante supplémentaire demeurée longtemps en berne lors de la conquête des étoiles : la religion. Afin d’assurer à la ComStar le monopole incontesté des communications galactiques, ses fondateurs formèrent les nouvelles générations d’ingénieurs et de techniciens dans la certitude fanatique que les stations-relais ne pouvaient fonctionner sans réaliser des rituels et invocations complexes au préalable de la transmission des messages et en interdisant sous peine de damnation la divulgation des détails de ces préparatifs.

De sorte qu’aucune Maison ne pouvait prendre le contrôle de stations-relais puisque pas un seul technicien ou ingénieur n’accepterait jamais de travailler pour elle – le salut de son âme en dépendait. Installée sur la Terre, fondée sur les ruines de la Ligue…, la ComStar devint ainsi une puissance fondamentale en usant de « communications blackout » (blocage des communications) pour maintenir une emprise sur chaque Maison dont aucune ne pouvait se passer de ses services dans ses efforts de guerre – sous peine de voir ses troupes submergées par celles des autres Maisons qui, elles, ne subissaient aucune interdiction… La ComStar se donna pour rôle de conserver le peu qui avait subsisté de la Première Guerre de Succession en tentant de maintenir l’équilibre des forces dans la galaxie.

Les Maisons ne cessèrent pas de se battre pour autant, mais bien après la quatrième Guerre de Succession surgirent les Clans. Constitués de descendants des troupes d’anciens chefs militaires de la Ligue Stellaire disparue qui avaient fui le cœur de la galaxie trois siècles plus tôt, avant que les Maisons recommencent à s’affronter, les Clans disposaient d’une technologie non seulement intacte mais aussi améliorée par rapport à celle de l’ancienne république des étoiles ; de plus, leur maîtrise de la sélection génétique et leur organisation en castes en faisaient une société de guerriers très redoutables. Leur objectif étant de ressusciter la Ligue Stellaire, les Clans se lancèrent à la conquête de la Terre en se frayant un chemin à travers les territoire de plusieurs Maisons.

Jusqu’à ce qu’ils soient stoppés sur le monde de Tukayyid par les troupes de la ComStar après une bataille majeure dont les conditions étaient, pour les Maisons à présent unies contre cet ennemi commun de renoncer à toute résistance, et pour les Clans de stopper leur invasion pour 15 ans. Les Clans perdirent. Mais cette défaite laissa de nombreux chefs de Clans insatisfaits et, à travers le Clan Jade Falcon, ceux-ci tirèrent profit d’une situation politique tendue entre les Maisons en faisant condamner le Clan Wolf pour génocide afin de le destituer de son statut de chef suprême des Clans. Et le Clan Wolf répondit en réclamant une Épreuve de Refus pour contester ce jugement.

Voilà comment le joueur se retrouve, dans cette adaptation précise, en train d’incarner successivement un Mechwarrior du Clan Wolf puis un autre du Clan Jade Falcon à travers un ensemble de missions retranscrivant cette Épreuve de Refus. Quant à l’Épreuve de Refus elle-même, il ne s’agit ni plus ni moins que d’une guerre ouverte entre deux Clans, arbitrée par un troisième et sous la supervision de l’ensemble des autres Clans

Suite de l’article (Le jeu)

Sommaire :
1. L’univers (le présent billet)
2. Le jeu
3. L’exégèse

Soulcalibur III (suite)

Jaquette de l'édition PAL de SoulbladeSommaire :
1. Prologue
2. Soul Edge / Soul Blade (le présent billet)
3. Soulcalbur
4. Soulcalibur II
5. Soulcalibur III
6. Symbolique

Soul Blade

An de grâce 1584 : la découverte des Amériques par Christophe Colomb n’a pas tout à fait un siècle, William Shakespeare vient de commencer sa carrière, les théories coperniciennes n’ont pas encore influencé Galilée, Henri IV va bientôt accéder au trône, René Descartes reste à naître, peu de gens savent que la Terre est ronde,… Dans cet Humanisme naissant, une jeune grecque, Sophitia Alexandra, citoyenne de l’Empire Ottoman et fille de boulanger, se baignait dans une rivière quand une lumière vive apparut qui prit la forme d’un homme : Héphaïstos, car c’était le dieu des forges en personne, lui parla de l’épée maudite, Soul Edge, dont l’existence non seulement couvrait son nom de honte puisqu’il n’en était pas le créateur mais aussi menaçait la paix du monde entier. Il lui ordonna de se rendre au Tombeau d’Eurydice pour y recevoir une arme sainte, l’« Épée Oméga », avec laquelle elle pourrait détruire Soul Edge. D’abord hésitante, Sophitia finit par accepter et se mit en route, Oméga battant contre sa cuisse, dans son fourreau. Elle ignorait que beaucoup d’autres guerriers, depuis les quatre coins du monde, suivaient une quête semblable, chacun pour leurs propres motifs…

Après bien des rencontres et des épreuves, Sophitia retrouva Soul Edge : dans une ville portuaire espagnole non loin de Valence, les vibrations de l’épée maudite résonnèrent avec celles d’Oméga et guidèrent Sophitia à travers les traces de tueries innommables jusqu’à la cachette où Cervantes de Leon se terrait depuis vingt ans. De là, le pirate rendu fou par le pouvoir de Soul Edge avait semé le carnage sur toute la côte en massacrant sans pitié tous ceux qui osaient tenter de lui ravir l’arme démoniaque, nourrissant celle-ci des âmes de ses victimes pour en accroître la puissance. Sophitia s’apprêta à combattre Cervantes mais quelque chose ne correspondait pas à ce que lui avait dit Héphaïstos : le pirate possédé maniait en fait deux épées, visiblement toutes deux maudites ; laquelle des deux était Soul Edge ?

Mais Cervantes l’attaqua avant qu’elle ait pu trancher la question. Le choc des deux armes fabuleuses fit trembler le sol, ainsi que les murs de toutes les bâtisses avoisinantes, et agita même l’océan non loin ; des forces magiques terrifiantes se déchainaient alors que les épées s’entrechoquaient et que la réalité même semblait s’effondrer sous les coups titanesques que les armes prodigieuses s’assénaient… Enfin, Sophitia parvint à arracher une des épées de la poigne de Cervantes qu’elle put repousser à quelques distances le temps pour elle de détruire l’arme tombée au sol : Oméga fendit l’air comme en rugissant avant de frapper la lame maudite à terre, mais quand celle-ci vola en éclat, des fragments de l’épée maudite lacérèrent les chairs de Sophitia et s’enfoncèrent au plus profond d’elle. Blessée à mort, épuisée du combat titanesque contre le pirate fou furieux, elle s’effondra, à la merci de Cervantes qui brandissait toujours l’autre Soul Edge

Ce fut l’intervention d’une ninja nommée Taki qui sauva Sophitia. Taki recherchait Soul Edge car elle la pensait responsable des crises de folie de son père adoptif, seigneur du clan de guerriers de l’ombre auquel elle appartenait ; de plus, la magie de sa propre épée, Rekkimaru, qu’elle avait forgé à l’aide de puissants arcanes afin de lutter contre les démons qui hantaient les campagnes du Japon, la force de sa lame semblait depuis quelques temps affaiblie par une source maléfique qu’elle avait fini par trouver dans cette ville fantôme. Et elle arrivait juste à temps pour prêter main forte à cette guerrière.

Malgré l’épuisement du pirate après ce long et féroce combat contre Sophitia, et bien que la puissance de Soul Edge se trouvait à présent divisée en deux, Taki eut bien du mal à vaincre Cervantes : sa propre arme presque vide de tout pouvoir, ses sorts de guérison rendus inutiles par l’épée maudite, elle crut bien sa dernière heure arrivée. Mais Cervantes finit par s’effondrer, l’autre Soul Edge tombant non loin de lui. Puisant dans ses dernières forces, Taki réussit à porter Sophitia loin du port, où elle pourrait la soigner.

Mais alors qu’elles s’éloignaient, une immense colonne de lumière aveuglante jaillit vers le ciel depuis l’endroit où gisaient le corps de Cervantes et la deuxième épée maudite : Soul Edge venait de se trouver un autre porteur, qu’elle jugeait bien plus digne d’elle que tous ceux qui l’avaient précédé, et elle annonçait leur pacte au monde entier à travers cette « Semence Maligne » qui devait apporter bien des malheurs…

Ce nouveau porteur s’appelait Siegfried Schtauffen et il était déjà, de loin, l’acteur le plus important de tous les funestes événements qu’annonçaient la « Semence Maligne », le point central de toutes les tragédies que compte la légende de Soul Calibur.

Siegfried naquit d’une roturière, Margaret, et d’un chevalier allemand, Frederick ; celui-ci combattit du côté des paysans oppressés par le Saint Empire romain germanique d’Otton le Grand, campagne pendant laquelle il rencontra et aima celle qui deviendrait la mère de son fils. De retour chez lui après neuf mois de combat, il arriva à temps pour baptiser son fils du prénom de Siegfried en hommage au célèbre héros nordique. De l’âge de 10 à 15 ans, Siegfried suivit tous les enseignements que lui prodigua son père pour devenir, comme lui, un bon chevalier. Mais une autre guerre rappela Frederick à ses devoirs et il dut quitter sa famille le temps d’une croisade.

Loin de l’autorité de son père, Siegfried fit de mauvaises fréquentations, allant même jusqu’à prendre la tête d’une bande de jeunes voyous, des voleurs connus sous le nom de « Schwarzwind », le « Vent Noir ». Dans un accès de fierté nationale bien mal placé, ils décidèrent d’attaquer les chevaliers qui avaient fui les croisades, espérant ainsi s’approprier les richesses amassées au cours de la campagne tout en donnant une bonne leçon à des couards indignes de porter les couleurs de leur nation. Le groupe de soldats qu’ils attaquèrent cette nuit-là était bien trop épuisé par la guerre pour répondre, et Siegfried eut le privilège d’occire leur commandant même : d’un seul coup d’épée, il le décapita et ramassa la tête ensanglantée par les cheveux pour la brandir devant tous ses larrons ; alors, un rayon de lune tomba sur le visage de sa victime et Siegfried vit qu’il venait de tuer son propre père Frederick.

Saisi de folie, Siegfried disparut en hurlant dans la forêt : en proie au délire durant des jours, il rumina ses crimes jusqu’à ce que sa raison bascule définitivement et qu’il parvienne à se convaincre que l’assassin de son père était un autre que lui. Quelqu’un d’assez redoutable pour avoir pu tuer le grand Frederick. Quelqu’un que seule une arme très puissante pourrait vaincre à son tour… Alors, peut-être parce que le destin réservait une place unique à Soul Edge dans son grand livre, Siegfried entendit parler de l’épée maudite, et il se persuada qu’elle seule lui donnerait le pouvoir de venger son père.

La quête de Siegfried le mena dans bien des endroits fétides où son art du combat lui servit souvent, faisant toujours plus basculer sa raison à chaque fois, jusqu’à ce qu’il se trouve aux alentours de Valence. Son esprit dément était-il entré en résonance avec les vibrations de Soul Edge ou bien était-ce un autre caprice du destin ? Toujours est-il qu’il trouva le corps fraîchement occis de Cervantes de Leon, auprès duquel reposait une épée à même le sol ; une épée comme Siegfried n’en avait jamais vu, dont il était sûr qu’il s’agissait de Soul Edge.

Mais alors qu’il allait s’en emparer, des feux démoniaques s’emparèrent du corps de Cervantes qui se leva d’entre les morts pour l’attaquer avec l’épée maudite. Siegfried saisit sa fidèle zweihänder et vainquit le monstre, gagnant ainsi le droit de brandir Soul Edge. Alors , la « Semence Maligne », que l’épée maudite avait soigneusement préparé durant ces vingt années passées à contrôler Cervantes pour qu’il accroisse son pouvoir en la nourrissant d’âmes, cette colonne de lumière démoniaque jaillit et se répandit sur le monde en semant une folie de carnage et de mort dans nombre d’esprits : un noble français attaqua Raphael Sorel, noble lui aussi, qui dut le tuer pour protéger sa vie ; Aeon Calcos, soldat spartiate, massacra tous les habitants du village qui lui avait porté secours alors qu’il était, comme Sophitia, en quête de Soul Edge à la demande d’Héphaïstos ; les moines du temple chinois Ling-Shen Su s’entretuèrent ; le groupe d’assassins « Oiseau de Passage » perdit son chef en libérant dans la nature nombre de tueurs prêts à laisser libre cours à leur instinct de mort ; des hommes à l’âme mauvaise se transformèrent en monstres et chimères mi-humaines mi-reptiles…

Quant à Siegfried, il entendit la voix de Soul Edge lui proposer un marché : qu’il l’aide à se nourrir en lui offrant des âmes, et elle ressusciterait son père quand elle aurait assez de pouvoir. Siegfried accepta, et fut perdu.

Suite de l’article (Soulcalibur)

Sommaire :
1. Prologue
2. Soul Edge / Soul Blade (le présent billet)
3. Soulcalbur
4. Soulcalibur II
5. Soulcalibur III
6. Symbolique

Front Mission 3

Jaquette européenne du jeu vidéo Front Mission 3Année 2112, au sein de l’OCU, cette vaste communauté économique et militaire qui rassemble les nations asiatiques majeures du Pacifique:  Kazuki Takemura et Ryogo Kusama sont pilotes d’essai pour Kirishima Industries, un des plus gros constructeurs au monde de Wanzers, ces appareils qui ont bouleversé toutes les tactiques de combat modernes.

Alors qu’ils font une livraison de routine à la base militaire de Yokosuka, une énorme explosion anéantit l’installation : à présent témoins gênants, Kazuki et Ryogo doivent fuir. Avec de nombreux alliés, ils parcourront tout l’Océan Indien, des Philippines à la Chine, à la recherche de réponses.

Mais ils ignorent que le complot dans lequel ils sont tombés couvre une envergure internationale, et menace tout l’équilibre mondial…

Ce n’est pas avant ce troisième chapitre que le public occidental put enfin connaître la franchise Front Mission. Il ne faut pas s’en formaliser pour autant car il est souvent considéré comme la meilleure introduction à la série, y compris par les fans les plus hardcore de la licence.

Dans ce futur proche, les deux Amériques sont devenues une seule nation (USN) alors que l’ensemble des états du sud-est asiatique ont fait de même avec l’Australie et les Philippines (OCU), et les Wanzers règnent sur les champs de bataille. Depuis les guerres d’Huffman, une île volcanique au large  de la côte ouest du Mexique, les relations entre ces deux blocs restent tendues. Mais d’autres forces, souvent officieuses, et parfois de taille considérable, trament aussi leurs plans… C’est dans ce contexte politique complexe, où les entités en présence ne se résument pas à deux camps et où les interactions sont à la fois profondes et retorses, que nos « héros » vont vite migrer entre plusieurs factions au gré d’un scénario riche en péripéties, rebondissements, révélations, coups de théâtre et autres retournements de situation ; bref, de tout ce qui fait un pur Tactical RPG.

Sur le plan visuel, le parti pris est résolument réaliste, ce qui n’a rien d’étonnant puisque cet avenir se situe à peine un peu plus d’un siècle dans l’avenir, de sorte que les divers éléments tant architecturaux que technologiques n’y sont pas beaucoup plus avancés que de nos jours ; en tous cas, ils demeurent reconnaissables. Du reste, un environnement visuellement proche du nôtre permet au joueur de mieux s’immerger dans le jeu – ce que confirme le succès de franchises telles que Counter Strike ou Battlefield, entre autres. On apprécie aussi cette volonté de réalisme dans les mecha designs qui rappellent le style développé dans Patlabor, un titre longtemps demeuré le pinacle du réalisme dans le genre mecha. Bref, mis à part les limites technologiques de la plateforme et l’âge maintenant avancé de ce jeu, la réalisation est sans faille.

Il n’est pas très utile de s’étendre davantage sur les qualités de ce titre puisque c’est une réalisation de Squaresoft, studio mythique qui à cette époque déjà n’avait plus rien à prouver. De plus, que cette suite soit un troisième opus en dit bien assez sur la satisfaction du public quant à cette franchise ; sans compter que deux autres séquelles et trois spin offs ont vu le jour depuis, ainsi que – cerise sur le gâteau – un portage du tout premier Front Mission sur NDS, sous le titre de Front Mission the 1st, enrichi de graphismes améliorés et d’un second scénario…

Mais c’est bien Front Mission 3 qui a, le premier, présenté un scénario double au sein d’un titre de la série, et c’est ce point précis qui lui vaut un billet ici. Bien sûr, la sophistication du scénario demeure le premier élément qu’un jeu de rôle doit proposer, et à ce titre Front Mission 3 s’en sort très bien. Hélas, comme la plupart des scénarios purs, celui-ci reste assez vide de sens ; c’est un « bon » scénario de RPG, mais il est exempt d’idées. Tout au plus pourra-t-on y trouver quelques réflexions, plutôt sommaires, sur les excès des manipulations génétiques et des technologies de pointe – ce qui n’a rien d’étonnant pour une production japonaise en dépit de certains aspects quelque peu simples de l’approche. Mais on y trouve rien de ce qui fait l’apanage de la science-fiction, c’est-à-dire la description de l’influence de progrès techno-scientifiques sur les modèles sociaux.

Non, ce qui fait l’intérêt de Front Mission 3 et de son « scénario double », c’est la mise en abîme qu’il propose des divers camps en présence. Mise en abîme ici permise par le fait que les personnages se situeront d’un côté ou de l’autre de l’histoire selon la branche du scénario que le joueur choisit en début de partie, à un moment précis de l’histoire où un choix s’offre à lui. Quand je disais, dans le synopsis, que le jeu amène les personnages à faire le tour de l’Océan Indien, j’ai délibérément omis de préciser que ce voyage se fait seulement, et en quelque sorte, « à moitié » : il est en fait nécessaire de rejouer le jeu, cette fois en choisissant l’autre scénario, pour compléter le tour en question. Car si les zones du monde parcourues par les personnages restent à peu de choses près les mêmes, chacune de ces « moitiés de voyage » est l’occasion pour le joueur d’examiner une facette de l’histoire, mais à partir d’un camp différent : en d’autres termes, l’ennemi dans un scénario n’est jamais que l’allié de l’autre scénario.

C’est-à-dire qu’il n’y a ni « gentils » ni « méchants » dans cette histoire au final. Ce qui n’est jamais que la parfaite définition de ce genre qui répond à l’appellation de « mechas réalistes » et qui s’est jadis posé en faux de la tradition des animes et mangas de mechas des années 70 où, pour schématiser, il n’y avait que manichéisme plus ou moins simpliste – dans le sens où l’ennemi qu’affrontait le « héros » était nécessairement un « méchant » : il n’était pas possible, compte tenu des bases de l’histoire, de proposer un scénario « alternatif » où les rôles étaient inversés et où le « héros » pouvait se retrouver dans le camp adverse… Le sous-genre des « mechas réalistes » était donc une évolution majeure du genre mecha, pour le réalisme – au moins sur le plan humain – qu’il introduisait dans ce type de productions jusque-là pour le moins répétitives et somme toute assez limitées – en dépit de toutes leurs immenses qualités dont les détails n’ont pas leur place ici.

Outre une réalisation de toute première qualité, tant sur les aspects artistiques que ludiques, Front Mission 3 est surtout la parfaite transposition dans le domaine du jeu vidéo de la tradition du genre mecha qui reste encore à ce jour la plus aboutie et la plus satisfaisante sur les aspects humains – ceux-là même qui font une histoire digne d’être racontée.

Front Mission 3
Squaresoft, 2000 (version PAL)
Playstation, entre 15 et 50 € (occasions seulement)


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