Ghost in the Shell – Stand Alone Complex

Dans ce futur quasi-immédiat, la frontière entre l’homme et la machine s’atténue de plus en plus à chaque jour : alors que le quotidien de chacun se partage entre le réel et le virtuel de part et d’autre d’une limite toujours plus floue, la société évolue peu à peu vers une nouvelle forme de vie. Une nouvelle définition du genre humain…

Pour échapper à une maladie mortelle étant enfant, Motoko Kusanagi, alias Major, a vu son « âme », son Ghost, transférée dans un corps artificiel impossible à distinguer d’un être humain normal. Elle commande la Section 9, une unité de sécurité publique officieuse, composée de cyborgs comme elle et chargée de lutter contre la facette sombre de ces nouvelles technologies.

De l’aveu même de Shirow – au cours d’une interview publiée dans la première édition en France du manga Black Magic, chez Tonkam, et dont fut tiré un court anime ma foi pas si mal que ça compte tenu de l’époque – de l’aveu même de son auteur donc, la narration graphique de Ghost in the Shell se voulait au départ  « très simple, comme les séries policières de la télévision dont la raison d’être est de distraire » : deux films de Mamoru Oshii plus tard (un et deux), difficile de dire que cet esprit-là a survécu… Cette nouvelle mouture – dont la réalisation vient s’intercaler entre les deux films en question – vient remettre un peu les pendules à l’heure, et ce n’est pas plus mal…

Exit le fatras de pseudo-philosophie cartésienne, adieu le contemplatif béat, à mort les ronflements. Place à l’action, à l’enquête, à l’ambiance : plutôt shônen donc, mais avec ce qu’il faut de pensum pour se démarquer des productions indigestes pour jeunes ados, Ghost in the Shell – SAC nous décrit ce monde de demain du point de vue du pékin moyen, c’est-à-dire vous et moi, sans nécessiter un tube d’aspirine à portée de main. Avec une ambiance générale qui évoque une sorte de crossover entre X-Files et Patlabor, cette série propose toujours une version simplifiée des dialogues à rallonge pour expliquer l’intrigue et laisser le spectateur se faire sa propre idée sur les tenants et les aboutissants de ce qu’implique le scénario. Et c’est un signe de qualité selon moi de savoir faire participer le public…

En sont témoins les chara designs, très retravaillés et beaucoup plus « réalistes », voire « grand public », que dans la version N&B de Shirow ainsi que la structure complètement décousue de l’intrigue générale : mis à part les quelques épisodes basés sur l’intrigue qui servira à faire l’OVA Ghost in the Shell S.A.C. Le Rieur, tous les scénarios sont entièrement indépendants les uns des autres, formant un ensemble assez plat et au final peu intéressant, plus proche du techno-thriller que du cyberpunk à proprement parler, et visiblement destiné à surtout développer les diverses personnalités de la Section 9 en vue de satisfaire les aficionados de la franchise plus qu’autre chose. D’ailleurs, on a même droit à quelques répliques qui donnent l’impression de sortir d’une série de la 6.

Si les clins d’œil aux classiques du genre (cyberpunk) sont bien là (Blade Runner dans l’épisode 12, la nouvelle Freezone de John Shirley – au sommaire de l’anthologie manifeste du genre, Mozart en Verre-Miroirs – dans l’épisode 13, le sang blanc des androïdes d’Alien dans l’épisode 15), ainsi qu’une référence assez nette au Cycle des Robots d’Asimov dans ce même 15éme épisode, ce sont à peu prés les seuls aspects de la science-fiction « pure et dure » présents. Mais que ce constat ne vous rebute pas : GitS – SAC présente aussi la plupart des ingrédients que tout bon fan d’anime attend, et c’est bien pour ça que vous ne serez pas déçu. Avec une mention spéciale pour l’épisode 12 où le « petit garçon » rencontre une petite fille : une variation somme toute assez originale et plutôt mignonne sur le thème de la révolte des robots, de plus très fidèle à l’esprit original du manga, au moins dans l’idée.

Si on laisse de coté le générique de début qui rappelle de la mauvaise 3D temps réel pour cinématiques de la PSX, il faut souligner la grande qualité technique de cette série. On appréciera beaucoup l’infographie qui, si elle manque de discrétion, reste malgré tout bien intégrée et préfigure peut-être la synthèse magistrale de GitS 2: Innocence. L’animation des Tachikomas en particulier est très bien rendue, et leur doublage très réussi, ce qui fait de ces robots des personnages à la fois attendrissants et drôles, qui joueront d’ailleurs un rôle assez inattendu tout en illustrant à merveille une des idées-clé du concept GitS sans avoir pour autant à citer des philosophes morts depuis une éternité. Légère déception toutefois du coté de la musique où on sent bien que Yoko Kanno n’était pas très inspirée sur ce coup-là : si elle utilise ses ficelles habituelles, elle semble malgré tout manquer de conviction. En résulte une musique ambiante de bonne facture mais peut-être un peu trop discrète, et un opening un peu trop grandiloquent au profit d’un ending qui en fin de compte rattrape bien le tout. L’ensemble de la bande-son reste irréprochable

Au final, une série réussie qui illustre à merveille le concept original de Shirow sans toutefois en reprendre la trame exacte. À voir en complément du manga donc, mais fonctionne aussi très bien en stand alone.

Notes :

Cette série est une adaptation très libre du manga éponyme de Masamune Shirow – qui a aussi participé à la conception de cette version télévisée – édité par Glénat.

Au départ prévue pour 26 épisodes, la série a finalement été étendue à 52 épisodes sous le titre Ghost in the shell : Stand Alone Complex 2nd GIG.

Deux OVA furent tirées de cette série : Ghost in the Shell S.A.C. Les Onze Individuels et Ghost in the Shell S.A.C. Le Rieur. Ainsi qu’un spin-off : Ghost in the shell – SAC – Tachikoma Special, une série en 3D de très court épisodes qui met en scène les robots Tachikoma utilisés par la Section 9.

Le texte qui entoure le visage circulaire du personnage Le Rieur est tiré du roman classique L’Attrape-cœurs de J.D. Salinger ; GitS – SAC fait d’autres allusions à ce titre dans différents épisodes. Salinger écrivit aussi une histoire courte intitulée Le Rieur qui utilise la technique littéraire de « l’histoire dans l’histoire », tout comme le segment Le Rieur de cette série évoque la corruption politique du Japon au cours des 80s.

Ghost in the Shell – Stand Alone Complex, Kenji Kamiyama, 2002
Beez Entertainment, 2004
26 épisodes

le site officiel de la série
la page de la série chez Beez

Cette chronique fut à l’origine publiée sur le site Animeka