Guyver

Jaquette DVD de l'édition française intégrale de GuyverShô Fukamachi est un lycéen comme les autres jusqu’au jour où une simple promenade au bord d’un lac bouleverse sa vie quand il trouve un objet étrange avec lequel il fusionne par accident. Il découvre vite que c’est en fait une arme biomécanique qui lui donne des pouvoirs surhumains à travers une symbiose dont résulte une nouvelle forme de vie : le Guyver. Mais, bien sûr, les propriétaires de l’arme veulent récupérer leur bien, et ils ont eux aussi à leur disposition un arsenal redoutable… Commence alors pour Shô un combat qui l’entraînera bien au-delà de tout ce qu’il aurait pu imaginer, vers le secret des origines de l’Humanité, le destin de cette dernière, et les Créateurs eux-mêmes…

Le Guyver est de retour, avec une revanche !

L’expression est faible car après deux OVAla première assez pathétique et la seconde plus fidèle mais malheureusement incomplète – ainsi que deux long-métrages pour le cinéma – le premier franchement mauvais et le second à peine mieux – il était temps pour le Guyver de recevoir enfin la réalisation qui lui était due. Et quelle réalisation !

Passons sur la qualité d’animation, à peine plus sophistiquée que la moyenne des productions du moment et qui reste globalement en dessous de celles des adaptations précédentes malgré le fossé temporel qui les sépare de celle-ci, ainsi que sur l’implémentation d’effets numériques au demeurant plutôt discrets et de bonne facture, car Guyver est avant tout une œuvre d’ambiance. D’abord à travers sa touche graphique et ses cadrages qui ne vont pas sans rappeler ses origines manga ; puis par sa narration étalée qui laisse bonne place aux relations psychologiques et aux développements des divers protagonistes mais aussi de l’intrigue et de son aura de mystère croissant, le tout servi par petites touches subtiles et progressives en évitant les sempiternels combats finaux – somme toute plutôt ennuyants après des décennies d’animes d’action – pour instaurer avec habileté le suspense et faire en sorte que le spectateur quémande toujours la suite : si ce stratagème sent bon le mercantilisme de l’audimat, il reste toujours appréciable lorsqu’il est bien fait, et dans ce cas précis il est simplement redoutable. En dépit de son respect pour l’œuvre de base, maintenant assez ancienne, cette adaptation se veut très actuelle dans sa facture et y réussit avec brio. Une œuvre d’ambiance, donc, en dépit des combats dantesques qui la rythment, d’une manière somme toute assez semblable à celle de l’adaptation en série TV de Spawn : une comparaison méritée car le Guyver est bien un mecha dont la parenté avec le super sentai ne se discute pas, de sorte qu’au final il se place dans la même veine qu’Iron Man mais la « japan touch » en plus…

Au point de pouvoir presque affirmer qu’il préfigure Urotsukidoji avec cette manière de déformer les corps dans des proportions infernales pour les transformer en horreurs sans nom. Pourtant, nous sommes bien dans un contexte de science-fiction mais typique du début des années 80, c’est-à-dire assez « cliché » selon les standards actuels : le thème de l’Humanité comme fruit de manipulations génétiques extra-terrestres, la corporation multinationale surpuissante dédiée à la conquête du monde, le jeune ado héritier d’un pouvoir qui le dépasse,… À l’époque où le manga original de Yoshiki Takaya est paru, c’était déjà vu, mais cette œuvre de base a au moins eu le mérite d’avoir été innovante, du moins dans le contexte si particulier de la culture populaire japonaise : en effet, jusqu’à Guyver les transformations du corps étaient plus le résultat de la magie – démoniaque la plupart du temps (on pense au Devilman de Go Nagai) – que de la science. Dans ce sens, Guyver est presque pionnier du transhumanisme, ce courant de la science-fiction héritier du cyberpunk qui explore l’impact des technologies de pointe (cybernétique mais aussi manipulations du génome) sur la nature de l’humain et l’avènement du chaînon suivant dans l’évolution de l’Humanité, le post-humain. Il n’est pas inutile de mentionner que l’Akira de Katsuhiro Otomo s’inscrit dans une veine comparable, du moins de notre point de vue occidental, et à peu près à la même époque d’ailleurs : de là à dire que les productions nippones sont souvent avant-gardistes, il n’y a qu’un pas – mais que j’éviterais toutefois de franchir car le sujet du transhumanisme reste complexe…

Hélas, la réflexion s’arrête là – dans cette adaptation en tous cas – et le seul épisode qui aborde directement cette problématique – le huitième, The Shaking Skyscraper – ne fait qu’effleurer le sujet, mais sans pour autant laisser le spectateur exempt d’interrogations, voire d’idées : c’est bien là à mon sens un des nombreux critères qui distinguent les productions banales de celles qui comptent.

Si vous voulez explorer une des meilleures incarnations d’un élément-clé de l’animation japonaise, Guyver est le candidat idéal.

Notes :

Ce titre est la troisième adaptation en anime du manga éponyme de Yoshiki Takaya actuellement non-traduit en France ; à signaler également l’adaptation en deux films live action américains The Guyver et Guyver II: Dark Hero avec des effets spéciaux et des maquillages de Screaming Mad George.

Guyver (Kyôshoku sôkô Guyver), Katsuhito Akiyama, 2005
(œuvre originale : Yoshiki Takaya, 1985)
Kaze, 2008
26 épisodes, env. 40 € l’intégrale (réédition)

Cette chronique fut à l’origine publiée sur le site Animeka