Macross Zero

Jaquette DVD de l'édition japonaise de Macross ZeroEn 1999, Shin est un enfant comme les autres quand un vaisseau extra-terrestre colossal s’écrase sur Terre, révélant ainsi à l’Humanité une technologie prodigieuse mais aussi, surtout, l’existence d’une civilisation étrangère à ce monde et peut-être hostile. Ainsi, les plus grandes puissances s’allient pour fonder le Gouvernement des Nations Unies de la Terre et échafauder un vaste plan de protection. Mais bien sûr beaucoup d’autres pays ne sont pas d’accord : très vite, le monde sombre dans le chaos de la Guerre d’Unification…

Neuf ans plus tard, alors que de nombreux vétérans ont disparu dans les combats, Shin fait partie de ces jeunes pilotes inexpérimentés mais envoyés malgré tout à la guerre par le Gouvernement des Nations Unies de la Terre : comme beaucoup d’autres, celle-ci a fait de son enfance, de sa vie, un enfer de brûlures et de sang, et de lui une parfaite machine à tuer, froide et sans scrupules… Pendant une mission d’interception d’appareils ennemis, son jet est descendu au-dessus de l’océan par un engin de conception inconnue.

Lorsqu’il revient à lui, il a été secouru par les habitants d’une petite île archaïque où ne subsistent plus que les femmes, les enfants et les vieillards. Sara, la jeune prêtresse locale, « la main portée par le vent », exige qu’il quitte l’île au plus vite pour éviter le retour des kaduns : en effet, ces esprits malveillants auraient, dit-elle, le pouvoir de réveiller le légendaire Homme-Oiseau dont la Chanson de Destruction anéantira toutes formes de vie sur la planète…

Si Macross Zero développe l’ensemble des thèmes de la franchise Macross, cette courte OVA prend aussi le temps de revenir sur les bases de cet univers afin d’en combler certaines lacunes. D’abord sur le plan « historique » en précisant quelques événements de la Guerre d’Unification, de façon sommaire mais efficace et, surtout, parfaitement en prise avec l’actualité de ce début de siècle : l’introduction, reposant sur des images qui pourraient être tirées des reportages du JT, se montre ici très adroite, accroche d’emblée le spectateur avec ce réalisme détaillé et méticuleux qui était déjà la marque de fabrique de The Super Dimension Fortress Macross et à mon sens une des raisons principales de son succès 20 ans auparavant, mais qui prend dans cette production l’ampleur qu’on est en droit d’attendre des nouvelles technologies d’animation quand elles sont exploitées avec talent.

On retrouve avec plaisir le personnage de Roy Focker, très étoffé à travers sa relation avec le docteur Aries Turner, une liaison qui jouera un rôle fondamental dans celle qu’il aura plus tard avec Claudia Lassalle dans Super Dimensional Fortress Macross. L’ancien instructeur de Focker fera aussi son apparition, reléguant presque ce dernier au rang que tenait Hikaru dans la série originale : les connaisseurs sauront apprécier le retournement de situation, surtout dans un tel contexte… Il y a aussi une exploration, souvent dérangeante, forcément, des conséquences de la Guerre d’Unification sur les civils en général – tels que les habitants de l’île de Mayan, à présent dépouillée de presque tous ses hommes adultes – et les militaires en particulier – qui ont tous d’excellentes raisons, souvent traumatisantes, d’avoir rejoint un camp ou l’autre de ce conflit aux allures de guerre civile mondiale dépourvue de tout manichéisme facile ou bon enfant.

Enfin, les thèmes chers à la franchise sont eux aussi bien présents. En tête de liste, le « choc des cultures », surtout à travers la découverte des traditions de Mayan par le jeune Shin, qui n’en reviendra pas intact, ainsi que le rôle de la musique dans le rapprochement des âmes, on s’y attendait, mais présenté ici avec plus de subtilité que dans les opus précédents. Ensuite, quelques détails sur l’influence de la Proto-Civilisation dans l’évolution des êtres humains, mais très imagés, pour ne pas dire à la lisière de la métaphore, et principalement à travers le savoir ancestral des habitants de Mayan – là « où se mêlent le vent et l’océan » – savoir d’abord devenu mythes et légendes puis religion au fil du temps, et dont le sens réel, pourtant loin d’être faux, se trouve déformé par la croyance aveugle qui a la vie dure à notre époque où le scientisme est lui aussi devenu un autre dogmatisme : un parallèle adroit, qui ne manque ni de finesse ni de poésie, dans le fond comme dans la forme, et qui joue avec habileté sur les limites de la méthode scientifique pour renforcer la narration.

Mais l’intérêt de Macross Zero ne s’arrête pas au « fan service », car Kawamori a mûri depuis son « œuvre de jeunesse » et ça se voit : le discours antimilitariste de Super Dimensional Fortress Macross est ici brillamment renouvelé par un message certes simple mais néanmoins d’une pertinence rare à notre époque troublée. On regrette toutefois que celui-ci soit « camouflé » dans un discours aux accents environnementalistes, voire simplement écologiques, qui ne va pas sans rappeler Miyazaki mais qui s’en démarque bien pourtant, avec toute la personnalité dont Kawamori a su faire preuve dans ses œuvres passées : ainsi nous est rappelé que la technologie n’est pas supposée nous permettre de mieux nous entre-déchirer mais de nous aider à atteindre un niveau supérieur de civilisation, pour peu que cette science soit bien partagée par tous ; c’est le clivage Nord-Sud qui est ici implicitement visé – d’où le thème de la religion ainsi que l’archaïsme, plus ou moins volontaire, de Mayan – et qui place cette OVA en prise complète avec le réel, un présent où les médias sont bien trop pleins d’attentats, de révolutions et de guerres civiles dans lesquels la technologie joue un rôle prépondérant qui lui sied mal.

On ne peut pas conclure sans évoquer les qualités de réalisation qui mêlent adroitement l’animation traditionnelle à une infographie sensible dont l’hyperréalisme est banni, pour des raisons artistiques évidentes. On retiendra aussi des séquences de combat aérien proprement époustouflantes qui laissent loin derrière le pourtant classique du genre Macross Plus tout en démontrant encore une fois que la 3D est un plus indiscutable quand elle est bien faite. Enfin, la musique, clef de voûte de la franchise depuis toujours, et bien qu’un peu hermétique au premier abord dans cet opus, atteint ici des sommets d’ambiance rarement égalés en mêlant les chants traditionnels des civilisations insulaires du Pacifique à des compositions de facture plus classique qui collent parfaitement à l’instant proprement dit.

De l’ensemble des designs à l’animation elle-même, jusqu’aux procédés narratifs souvent inhabituels, voire parfois déroutants, et une bande-son unique, Macross Zero s’affirme comme une très belle réussite sur tous les plans, doublée d’une excellente introduction à une franchise incontournable de l’anime : à ne manquer sous aucun prétexte.

Notes :

Cette OVA (pour Original Video Animation, un type de production destiné exclusivement au marché vidéo domestique) est une préquelle de The Super Dimension Fortress Macross.

Au cours du second épisode, deux noms mentionnés – Appale Genki et Meriken Burger – sont des références à la série TV Arjuna également réalisée par Shoji Kawamori. Dans l’épisode 3, Arjuna elle-même fait une apparition sur un écran de télévision.

Dans le second épisode, le camcoder de Aries est marqué Satelight et Tin House, noms des deux principaux studios d’animation derrière cette production.

Macross Zero, Shoji Kawamori
Satelight, Big West & Bandai Visual, 2002
5 épisodes, pas d’édition française à ce jour

Cette chronique fut à l’origine publiée sur le site Animeka